BrandWatch par Michel Gutsatz

Paiement mobile: la révolution vient de Chine

WeChat vient de lancer son 'Wallet' - sur un modèle très proche de celui que propose déjà Alipay, l'app de paiement mobile d'Alibaba.

Qu'y trouve t-on? Une véritable révolution - comparé aux modes de paiement mobiles accessibles en Europe et aux US.

Tout d'abord les fonctions usuelles de paiement mobile - les cartes de paiement, un portefeuille alimenté à partir des cartes de paiement et la possibilité d'effectuer un paiement rapide à partir de ce portefeuille. Cette dernière fonction 'Quick Pay' est nouvelle : elle permet de générer un QR Code lequel pourra être scanné par le vendeur et permet donc de payer l'achat.

On trouve ensuite une rubrique "Powered by Tencent" (Tencent est la maison mère de WeChat, le concurrent n°1 d'Alibaba en matière de digital). Y sont regroupées 10 applications développées par Tencent:

• 'Transfer': Transférer de l'argent à partir du 'portefeuille' à un de mes contacts sur WeChat
• 'Mobile Top Up': se substitue aux cartes prépayées pour les téléphones
• 'Wealth': Investir mon argent en cliquant sur des offres dont la rémunération est affichée et garantie
• Acheter des QQ-Coins, une monnaie virtuelle utilisée dans les jeux online
• 'Utilities': Payer mon téléphone, mon gaz, mon eau et mon électricité
• 'Public Services': accéder à des services publics (différents dans chaque ville) comme: prendre des rendez-vous avec des médecins / s'informer sur la qualité de l'air / payer des amendes / indiquer des incidents / visualiser le trafic routier via des caméras, etc...
• 'Card Repay': utiliser mon argent pour couvrir mon découvert sur la carte de crédit et éviter des agios
• 'Red Packet': concrétiser la tradition chinoise des 'enveloppes rouge' quand on souhaite faire des cadeaux à des proches ou des salariés
• ' Go Dutch': partager une note de restaurant avec des amis
• 'Tencent Charity': verser des dons à des organisations philanthropiques liées à Tencent

Voici par exemple le parcours sur l'app pour organiser un rendez-vous avec un medecin:

Et les offres d'investissement disponibles aujourd'hui:

 

On accède ensuite à 5 autres fonctions opérées en dehors de Tencent:

• 'Order Taxi': Commander un taxi - via l'app commune à Tencent et Alibaba DidiKuaidi
• 'Rail & Flights": commander des billets de train et d'avion
• 'Specials': cette fonction permet d'accéder au site de e-commerce JD.com et d'y trouver des offres à prix préférentiels
• 'Movie Tickets': acheter des billets de cinema
• 'Group Buy': faire des achats groupés à prix cassés

Si un mot résume l'approche chinoise du paiement mobile c'est: INTEGRATION. Vous disposez au sein de votre 'messenger' (pensez WhatsApp ou Facebook Messenger) de toutes les fonctions de paiement qui sont jusqu'à présent disponibles sur autant d'app différentes (celle de votre banque, celle de votre fournisseur d'électricité, de votre opérateur téléphonique, de vos taxis ou VTC préférés, etc...). Ainsi plutôt que de jongler avec 10 voire 15 app différentes WeChat vous propose de tout regrouper en un lieu unique, celui où les chinois passent le plus de temps chaque jour: le réseau social privé. Voici un extraordinaire exemple de travail fait à partir des préoccupations des consommateurs qui recherchent avant tout du 'convenience' et du 'user friendly'. L'avenir du digital se prépare en Chine.

Milan Station: occasion ou neuf?

Le marché des produits de luxe d'occasion s'est développé depuis plusieurs années en Chine - et plus particulièrement à partir de Hong Kong. Milan Station en est un exemple: ses boutiques se sont d'abord développées à Hong Kong (rejointes depuis par le japonais Brand Off) puis en Mainland China (où Milan Station s'est trouvé confronté à la concurrence du chinois Secoo, ainsi que d'une multitude de "me too" comme Beijing Shop (北京店), Runwu Consigment (润物寄卖), Siku Consignment (寺库寄卖), Milan Xuan (米兰轩), Milan Square (米澜坊)).

Ce développement - exactement comme au Japon il y a une dizaine d'années - s'est construit sur les importantes différences de prix existant entre Mainland et Hong Kong et entre Hong Kong et l'Europe. 

On assiste toutefois à un changement essentiel dans le business model de Milan Station, comme en témoignent les photos suivantes prises à Hong Kong en avril dernier.

Les vitrines sont maintenant remplies de sacs Hermès neufs.

Une rapide analyse des prix pratiqués nous amène à une première conslusion intéressante: ces sacs sont proposés presqu'au même prix qu'à Paris (2550 € contre 2230 €) - la différence de 13% est bien loin des écarts de 30% souvent constatés.

Une discussion avec des experts du luxe installés à Hong Kong nous oriente vers un autre constat: un grand nombre de produits proposés par Milan Station ne sont pas disponibles dans les boutiques Hermès locales. 

Ainsi Milan Station - en s'approvisionnant sur le marché parallèle - permet à des clientes qui ne souhaitent pas attendre plusieurs mois tel ou tel modèle Hermés de se le procurer immédiatement moyennant un sur-prix d'environ 12% par rapport à Paris. Ainsi la demande pour certains produits de quelques marques pratiquant le contrôle de la rareté (Hermès, Prada) est telle que l'offre "neuf" vient complèter l'offre "occasion" - augmentant ainsi le traffic vers les boutiques et le site de e-commerce de Milan Station.

Les nouvelles boutiques des marques de beauté

La découverte à Hong Kong de la nouvelle boutique Giorgio Armani Cosmetics (voir Brandwatch du 26 janvier) ainsi que le nouveau format de la boutique Chanel Beauté (voir Brandwatch du 8 septembre 2013) m'a amené à explorer ce que les marques de luxe préparent comme nouveaux concepts retail pour leur offre beauté. Comme souvent ces nouveaux concepts sont testés et développés en Asie au plus près du marché le plus exigeant... au au potentiel le plus important.

• HONG KONG: Au sein de Pacific Place s'est ouverte une Beauty Gallery où, à côté de marques déjà installées dans le retail (La Prairie, La Mer, Nars, Natura Bisse) nous remarquons de nouveaux entrants - dont Chanel, Burberry et 2 marques du groupe L'Oréal (Giorgio Armani, YSL). Il s'agit bien d'une confirmation: les marques de luxe déploient des boutiques beauté, se dotant ainsi d'un nouveau canal de distribution en propre en plus des corners de grands magasins. Cela leur permet (enfin) d'accéder au consommateur final jusqu'à présent exclusivement aux mains des Sephora, Marrionaud et autres distributeurs multimarques. La bataille pour les données consommateurs et pour la mise en place d'un véritable "precision marketing" est engagée.
  
  
  
  
  
  
  
  

• BOMBAY:  L'Inde est encore par bien des côtés une terre de mission pour les marques de luxe. Toutefois on y trouve déjà des boutiques de beauté. J'en ai trouvé deux - une Chanel (Palladium Mall) et une Lancôme (Grand Galleria à l'extérieur du Palladium) - à Bombay. Mais beaucoup plus intéressant encore j'y ai découvert une boutique L'Oréal Paris dédiée au maquillage! J'avais déjà signalé la présence d'un Institut boutique L'Oréal Paris sur un bateau de croisière Costa - nous voyons que le travail initié par Jean-paul Agon aux USA où il avait ouvert des boutiques pour la marque se poursuit maintenant en Asie. Attendons-nous à l'arrivée mondiale de boutiques L'Oréal Paris - confortant sa stratégie actuelle de montée en gamme et de "sortie" des linéaires de supermarchés...
  
  
  
  
  
  
  
  

Une Armani House à Hong Kong

Les marques de luxe ont de tels enjeux en Asie que leurs nouveaux concepts de boutiques y sont testés et développés. Ils ne parviennent en Europe que bien plus tard (on peut penser ainsi aux boutiques Chanel Beauté présentes depuis longtemps au Japon et à Hong Kong et qui arrivent seulement en France).

Un exemple passionnant est le nouveau concept store Armani de Hong Kong. On y trouve une offre très différente de celle proposée à Milan - pas d'hôtel ni d'Armani/Casa mais un ensemble de gammes adaptées à la vie sociale de Hong Kong: mode, beauté, restaurant, lounge, desserts, fleurs... Armani se construit devant nos yeux en marque lifestyle complète.

On y trouve réunies la plupart des lignes de la marque... et quelques surprises:

• Quatre magasins de mode:
• Giorgio Armani
• Emporio Armani
• EA7
• Armani Junior
  
  
  
• Une boutique présentant l'offre Beauté: Giorgio Armani Cosmetics
  
  
• Une boutique de fleurs: Armani/Fiori
  
  
• Une boutique Armani/Dolci, dédiée aux pralines et au chocolat
  
  
• Un restaurant: Armani/Aqua, rencontre entre l'Ouest et l'Est - entre la cuisine italienne et la cuisine japonaise avec deux chefs et deux cuisines...
  
  
• Un lounge consacré à l'art du cocktail: Armani/Privé

Angela Ahrendts chez Apple: Deux leçons

Gilles Auguste et moi avons publié cette année 'Luxury Talent Management' chez Palgrave Macmillan. Deux des sujets que nous abordons sont les duos Créatif/CEO qui font le succès de certaines marques de luxe (comme Burberry) et les enjeux autour du retail. Il se trouve que ces deux sujets sont au coeur des récents mouvements à la tête de Burberry. Nous vous en proposons ici une analyse.

La presse écrite et internet ont amplement commenté le départ de la Présidente de Burberry pour Apple - pour occuper le poste de VP en charge du réseau de boutiques et du e-commerce. Nous voudrions apporter ici un éclairage complémentaire sur deux sujets qui nous semblent essentiels:

1. Christopher Bailey a été nommé CEO de Burberry - et il cumule cette fonction avec sa fonction actuelle de Directeur de Création (CCO). De nombreux commentateurs s'en sont étonnés et ont émis des doutes sur ce choix 'insolite'. Or ce n'est pas la première fois qu'un tel cumul est mis en place: le plus récent date du début 2013 - lorsque Nicolas Bos, jusqu'alors CCO de Van Cleef & Arpels (et CEO de Van Cleef & Arpels North America), est devenu CEO de la marque de joaillerie en remplacement de Stanislas de Quercize parti diriger Cartier. Il cumule cette fonction avec la direction de création. Nous pensons très intéressant de constater que deux grandes marques parmi les plus créatives ont choisi un nouveau modèle de direction où l'artisan du succès de la marque en prend les rennes. Ceci marque à nos yeux l'importance croissante du design et de la création dans le développement des marques de luxe - avec l'arrivée d'une nouvelle génération de créateurs parfaitement au fait du business et capables de créer des produits qui se vendent très bien. Il importe de noter que l'arrivée de Christopher Bailey à la tête de Burberry a été précédée en mars de la nomination de John Smith comme COO de la marque. Celui-ci n'est pas un étranger: comme membre du Board depuis 2009 il la connait donc parfaitement. Bien plus, venant de la BBC, il connait très bien les medias - rappellons que Christopher Bailey disait récemment: "Burberry is now as much a media-content company as we are a design company because it’s all part of the overall experience".

2. Angela Ahrendts part donc pour Apple pour prendre la responsabilité du réseau de boutiques et du e-commerce. La création des Apple Stores en 2001 a été un des éléments essentiels du nouveau business model d'Apple - trop souvent oublié au profit des produits et de l'innovation design et technologique. Les Apple Stores ont été une véritable révolution dans l'univers du retail en introduisant de larges espaces non-commerciaux, en proposant des produits 'vivants', en faisant du service un élément essentiel du concept. Aujourd'hui plus de 18% des ventes de la marque se font par ce canal et les ventes au mètre carré sont au niveau de celles... des meilleures marques de luxe (46 000 €/m2). Nombre de marques de luxe sont incapables aujourd'hui malgré leurs efforts de proposer une expérience client équivalente à celle d'Apple. Mais ce concept a plus de 10 ans maintenant et il se doit d'évoluer. Dans un entretien récent Tim Kobe, fondateur du studio de design Eight Inc., lequel a développé le concept des Apple Stores avec Steve Jobs, a été très critique sur ceux-ci: "Apple's momentum has slowed down... It's imperative Apple shifts again. They should really refresh [their retail offering] every five years." Il avance à juste titre qu'un concept retail, aussi puissant soit-il, a besoin d'être revisité tous les 5 ans sauf à perdre son avantage. Or le concept des Apple Stores n'a pas changé depuis 10 ans. On peut donc penser qu'une des missions d'Angela Ahrendts sera de le revisiter. Elle a souvent ces derniers temps parlé du futur du retail en expliquant combien les expériences online et offline devaient être "seamless" - Apple a déjà bien avancé sur ce sujet mais bien des progrès restent à faire. On peut raisonnablement penser qu'elle en sera l'artisan.
   
   

Beauté: les marques ouvrent boutiques

Cela fait longtemps que je prévois que les marques de beauté vont modifier leur business model: elles ont besoin de compléter leurs canaux traditionnels BtoBtoC avec un nouveau canal BtoC. Toutes les marques ont en effet besoin d'accéder au consommateur final: celui-ci est actuellement capté par la distribution (Sephora, Douglas, Marionnaud, les parfumeries, etc...) alors que le véritable enjeu des années à venir est de pouvoir établir une relation directe avec lui/elle (et ainsi de se doter d'une base de données clients la plus complète possible). Nous avons suivi sur Brandwatch plusieurs initiatives qui vont dans ce sens: les Nivea Haus, les boutiques L'Oréal Paris aux USA, le salon L'Oréal Paris sur un bateau de croisière Costa, les spas Dove, les boutiques Chanel Beauté (pop-up et boutiques asiatiques), etc...

Or les marques sont en train de multiplier les initiatives en matière de distribution - toutes allant dans ce sens! Voici une petite revue des plus marquantes:

• Chanel a déménagé sa boutique de Hong Kong - boutique d'environ 30m2 qui donnait à la fois sur la rue et ouvrait dans Lee Gardens shopping mall de luxe : elle vient de s'installer au rdc de Hysan Place, un shopping mall moins luxueux mais avec un traffic bien plus important (en face d'un Apple Store) en y ouvrant une boutique de plus de 100m2!
  
  
  
  
  

• Caudalie, après avoir ouvert deux boutiques à New york, ouvre à Paris, rue des Francs-Bourgeois. Ainsi après s'être développé dans le réseau des pharmacies (et maintenant chez Sephora aux USA), la marque ouvre ses propres boutiques. Milan et Hong Kong doivent suivre.
  
  
  
  
  

• Bourjois vient d'ouvrir (mars 2013) sa première boutique (41m2) dans le Passage du Havre à Paris: on y trouve l'ensemble des références de la marque ainsi que des services à 1 petit prix (manucure, pose de maquillage, épilation des sourcils..).
  
  
  
  

• Benefit marche dans les traces de Sephora aux USA: la marque installe des distributeurs automatiques de produits de beauté dans 24 aéroports aux USA. On y trouve 30 best-sellers de la marque. Les machines sont réalisées par ZoomSystems (qui a déjà travaillé avec Coty et Sephora). Un écran tactile donne des conseils de maquillage et de soins.
  

Warby Parker: naissance d'un business model

Parce qu'un de ses amis avait perdu une paire de lunettes valant $700 dans un avion, Neil Blumenthal décida en 2010 de créer une nouvelle marque américaine de lunettes avec la volonté d'offrir aux consommateurs des produits de très bonne qualité à des prix accessibles. Ce fut Warby Parker. Pour concurrencer Luxottica (propriétaire de Ray-Ban et d'Oakley et licencié de nombreuses marques de luxe) et qui dispose de 7000 magasins aux USA (sous diférentes enseignes) Warby Parker décida de repenser complètement le business model des lunettes.

• Une marque dont le style et la communication font référence à une Amérique rêvée des années 50 et 60, revisitée au 21ème siècle: des montures simples dans des couleurs passées, des noms "preppy"... Comme le dit un professeur de Bentley: "They have a nerdy cool appeal. It taps into the Kendall Square/Silicon Valley/New York City metrosexual vibe. They're not studly, but they've got brains. They're like the nerdy guys in the movies who end up with a beautiful woman."

• Un positionnement prix uniforme: $95 et $145 pour les montures titanes. Ce prix unique est conçu pour permettre aux clients de choisir exclusivement en fonction du style et de leur personnalité.

• Une distribution innovante:
  

  • la marque a été lancée sur internet - mais lorsque les clients ont demandé s'ils pouvaient venir acheter des lunettes - ils ont alors installé un showroom à leur siège. Ils recoivent ainsi 1000 clients chaque samedi et les ventes au mètre carré sont au niveau celles d'une marque de luxe!   

  • WP a ensuite installé des shop-in-shop dans d'autres boutiques ou dans d'autres lieux insolites comme des hôtels. A chaque fois le concept est différent et cohérent avec le lieu.

  • Un bus réamménagé leur permet de mener des ventes itinérantes dans des villes où la marque n'est pas encore présente.
    
    

  • Warby Parker vient d'ouvrir sa première boutique à New York dans Soho
    
    

• Une forte dimension sociale (que nous retrouvons chez une autre jeune marque américaine TOM'S): pour chaque paire achetée une paire est donnée à une personne qui en a besoin. Pour des fondateurs trentenaires donner une dimension de responsabilité sociale à leur entreprise est normal: il faut rendre à la société ce qu'elle nous a donné.
  
  

Galeries Lafayette & Printemps: un store check

J'étais la semaine dernière un matin à 10h, avec un client, à l'ouverture des Galeries Lafayette et du Printemps à Paris. Deux choses m'ont frappées:

1. Alors que les allées du Printemps étaient vides, celles des Galeries Lafayette étaient déjà noires de monde. Il s'agissait d'un public bien particulier: le magasin était rempli de touristes chinois.
   
   
   
   
   Avec une queue devant Chanel.... cette même queue que j'avais constatée à Hong Kong il y a quelques mois.
   
   
   
   

   Ceci confirme ce que Bain affirmait dans son étude "2012 China Luxury Study": les chinois représentent 25% des clients du luxe (soit la première nationalité devant les américains) et 60% d'entre eux font leurs achats hors de Chine (dont environ 30% en Europe et aux USA).
   Les Galeries Lafayette capitalisent aujourd'hui avec la clientèle chinoise sur leur stratégie d'accueil des touristes étrangers, initiée il y a plusieurs années avec les japonais. Le Printemps - qui souhaite miser sur la clientèle internationale - a visiblement encore des progrès à faire pour atteindre l'impact des Galeries.

2. Le Printemps - qui mène une stratégie de montée en gamme depuis 2006 laquelle en fait un haut lieu du luxe à Paris - développe avec les marques une approche très intéressante: plusieurs marques disposent de deux voire trois localisations dans le magasin. C'est le cas bien sur de Louis Vuitton, qui outre un magasin duplex a un corner pour la soie (oh Hermès!). C'est le cas de Guerlain comme de la marque de montres Frédérique Constant qui se retrouve au premier étage avec les marques de luxe et au sous-sol avec les marques moyen-de-gamme. Le cas Ladurée est encore plus intéressant: après avoir installé son salon de thé au 1er étage (celui des marques de luxe), Ladurée a rajouté deux corners à deux des entrées du magasin sur le Boulevard Haussmann. Il s'agit là d'une innovation importante pour le retail du luxe - qui avait tendance à rechercher des boutiques importantes regroupant l'ensemble de l'offre. Après avoir "éclaté" son offre en ville en séparant boutiques mode, boutiques bijouterie, boutiques chaussures, elles font de même maintenant dans les Grands Magasins.
   
   
   
   
   
   

La beauté innove dans le retail

Les marques de beauté avancent pas à pas vers ce qui sera vraisemblablement leur modèle de distribution futur: des boutiques propres. La seule expérience qu'elles avaient jusqu'à présent d'une distribution en propre était celle des corners dans les grands magasins. Les marques d'institut de leur côté développaient des instituts de beauté à leur nom (Clarins en avait 38 dans le monde dont 27 en propre en 2007).
Plusieurs marques développent des concepts retail en Asie - région qui est devenue un véritable laboratoire pour le luxe. On trouve ainsi à Hong Kong trois boutiques dans un rayon de 20 mètres: Chanel, Estée Lauder, Shiseido. Elles sont tactiquement très bien situées:

• des boutiques sur rue - situées dans une rue très passante à proximité de Forever 21 et d'un important shopping mall Hysan Place (avec Gap, Hollister, ...)
• à proximité d'un des shopping malls de luxe (Lee Gardens) - la boutique Chanel en fait d'ailleurs partie, ayant deux portes distinctes (voir photos)

La boutique Chanel met en avant le maquillage et les parfums - le soin est relégué en fond de boutique.

A l'inverse la boutique Estée Lauder - qui est aussi un institut de beauté - met en avant les soins (et dans une moindre mesure le maquillage et le parfum). Elle présente à l'entrée ses best-sellers (ce qui facilite l'acte d'achat de clientes moins au fait des différentes gammes - et les rassure):

La boutique Shiseido est, quant à elle, dédiée au soin.

Ces initiatives sont à mettre en perspective avec le pop-up store Chanel que la marque a installé à Londres à l'occasion des Jeux Olympiques: entièrement dédié au maquillage (avec une présentation en mineur de parfums), il est situé à Covent Garden - un des lieux les plus vivants actuellement à Londres où les marques premium et mass se positionnent (il y a quelques mois Tommy Hilfiger y avait aussi un pop-up store). On retrouve donc le choix de lieux de passage qualitatifs, fréquentés par un public jeune et interessé par les marques.

On peut toutefois s'interroger sur la stratégie Chanel qui, dans ces deux exemples met en avant le maquillage (la catégorie la plus jeune et permettant les meilleurs animations) et le parfum (la catégorie 'historique' qui fait la renommée de la marque) en laissant le soin très largement en retrait. Ce troisième axe mériterait d'être mieux valorisé!

Vuitton sur tous les fronts

Louis Vuitton a donc ouvert une boutique de 150 m² dédiée à la joaillerie Place Vendôme le mois dernier - installant son atelier de joaillerie au premier étage. Cette initiative a été saluée comme la preuve de la montée en gamme de la marque du groupe LVMH - laquelle, en s'installant sur le lieu emblématique de la haute joaillerie française et en se dotant de son propre atelier, se dote des signes de la légitimité dans une catégorie où brillent Cartier et Van Cleef & Arpels, les marques du concurrent direct le groupe Richemont.

Louis Vuitton - en cette année de transition qui verra le départ de son Directeur Général emblématique Yves Carcelle - est en fait sur tous les fronts. J'isolerai quatre autres initiatives majeures:

1. L'ouverture d'un premier shop-in-shop dédié aux chaussures (septembre 2012) chez Saks Fith Avenue: comme à son habitude la marque gèrera en totalité cet espace. A cette occasion une chaussure en édition limitée sera produite et vendue en exclusivité dans ce shop-in-shop. Louis Vuitton renforce là aussi sa légitimité dans une catégorie où elle n'est présente que depuis quelques années.
   
   
2. Le lancement du premier parfum LV:la marque a recruté en janvier dernier un parfumeur, Jacques Cavalier - créateur de l'Eau d'Issey (Issey Miyake), Midnight Poison (Dior), Acqua di Gio (Armani), Opium pour homme (Yves Saint Laurent) et Poème (Lancôme).Comme ses lunettes et ses montres, les parfums seront distribués exclusivement dans les boutiques LV - à l'exclusion des distributeurs spécialisés. La marque avait déjà lancé des parfums ( Heures d'Absence / Je Tu Il / Eau de Voyage) dans les années 1920/1930.
   Là aussi il s'agit pour Louis Vuitton d'investir une catégorie essentielle aujourd'hui pour construire la légitimité d'une marque de luxe ET pour renforcer sa marge opérationnelle.
   
3. La collaboration artistique et commerciale avec l'artiste japonaise Yayoi Kusuma - sous forme de 7 pop-up stores (le premier a ouvert le 10 juillet au sein de la boutique de Soho à New York - la veille de l'ouverture de la rétrospective du Whitney Museum consacrée à l'artiste - d'autres suivront au Printemps  Paris, chez Selfridge's à Londres fin août, à Pacific Place Hong Kong, à Ngee Ann City Singapore et chez Isetan Tokyo). Ces boutiques temporaires - conçues par l'artiste - commercialiseront une collection de prêt-à-porter créée par Yayoi Kusuma pour Louis Vuitton. Ces produits seront ensuite disponibles dans l'ensemble des boutiques de la marque.
   Vuitton pousse donc sa logique de collaboration avec des artistes contemporains (Takashi Murakami, Stephen Sprouse, Richard Prince entre autres) jusqu'au bout: c'est la première fois qu'elle ouvre plusieurs po-ups stores dédiés à une telle collaboration.
   
   
   
4. Le retour du thème du voyage: le "Louis Vuitton Express" est le thème commun à la nouvelle campagne de communication de la marque et à l'inauguration de la boutique de Shanghai de Plaza 66 rénovée. Un film et un mini site permettent à Louis Vuitton de mettre en scène un imaginaire lié à celui de la marque - celui des voyages en train du 19ème siècle...
   
   
   

Louis Vuitton - grâce à ces multiples initiatives - confirme bien être une des marques de luxe les plus innovantes, les plus modernes et les plus actives. Elle renforce son business model (la distribution exclusive dans son propre réseau), sa légitimité en tant que marque de luxe globale (par l'accès à de nouvelles catégories), son statut de marque vivante et créative (par la collaboration avec des artistes contemporains)... et sa présence en Chine, le marché le plus important actuellement pour le luxe.

Un feu d'artifice pour la "fin de règne" d'Yves Carcelle - mais LVMH a annoncé tant de successeurs depuis 10 ans que certains doutent encore de son véritable départ!

Do Chinese companies have Brand Management skills?

As I mentioned and analyzed in my post on the Li & Fung strategy on 16 October 2011, we have just learned of three successive acquisitions of European luxury brands by Fung Brands Limited - an investment fund (attached to Fung Capital Europe) owned by Victor and William Fung:

• The acquisition of 80% of Sonia Rykiel
• The acquisition of a 80% share in Delvaux
• The acquisition of 90% of Robert Clergerie

This phenomenon started about 5 years ago: Chinese companies are purchasing European brands.

• In cars, examples abound: in 2005 Nanjing Auto bought MG, and SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation) acquired the rights of several Rover models. These were redeveloped and marketed under the name Roewe, with great success.  Since SAIC had acquired Nanjing Auto, the new group re-launched the MG in Britain in 2009/2010, with models that were well received by critics.  The group's portfolio also comprises the rights to Austin Healy, purchased in 2007. In 2010, Geely bought Volvo from Ford.
• In 2008, Weichai Group, the first Chinese manufacturer of boat engines, trucks and construction equipment, bought Motors Baudoin – recognized experts in marine engines AND in 2012 they finalized the acquisition of Ferretti – the world’s largest manufacturer of luxury yachts (with brands like Riva and Ferretti yachts).
• A similar phenomenon is appearing in fashion. In 2008, the group Hembly International bought Sergio Tacchini. In 2009, Zhongfu bought the rights to Pierre Cardin in China. In 2010 Shandong Ruyi (world leader in spinning and weaving, one of the Hugo Boss sub-contractors) acquired 41% of Renown, the Japanese fashion comppany, and Tombolini, the Italian clothing company. And recently Aquascutum - after having entered administration bankruprcy protection - was acquired by its Asian licencee and distributor - YGM Trading based in Hong Kong.

Chinese companies have been building on the low-cost business model so far: the price made the difference, and some even resorted to dumping to get rid of competitors in markets. They have now clearly understood that owning a brand generates higher margins than being a manufacturer for the owner of the brand. This explains why over 20% of company heads surveyed in a recent study by The Economist ("A brave new world: The climate for Chinese M & A abroad", 2010) say they are in search of brands.
However, Chinese companies are faced with significant managerial shortcomings - especially where integration of foreign teams and marketing are concerned. The Economist's survey shows that Chinese companies have acquired 298 foreign companies in 2009 (including 13% in Europe and 13% in the U.S.), but only 39% of top managers surveyed believe they have the skills to integrate these acquisitions. The challenges ahead are therefore significant.
Brand management competencies and skills are not part of the Chinese business culture. As Y.C. Yeh, founder of Taiping carpets said « Chinese are very good at manufacturing, but the culture forbids marketing » (http://sumagazine.syr.edu/archive/winter04-05/features/feature2/). Many important dimensions of brand management have to be mastered – amongst which building brand consistency, respecting intellectual property rights, pricing, quality control, applying a contract-based culture, managing creators and designers, building affluent customer relationship…
These competencies can be learnt through partnerships with European brands and experts and there are three major methods to achieve this :

1. Buy European luxury brands and create mixed teams with a European CEO (Fung Capital went this route);
2. Adopt the artistic director/CEO or COO model of mixing cultures (Shang Xia and qeelin are examples). A recent example is the development of Sheji Sorgere – a luxury men’s brand developped by China Garments with products designed by Francesco Fiordelli (Fashion Director) and manufactured by Caruso, an Italian company;
3. Work with European branding experts on (re)developing existing Chinese brands (an approach adopted by Herborist, a beauty brand of the Shanghai Jawa Group).

These brand management competencies and skills are critical and will be even more so because China is in a transitional phase – moving from ‘made in China’ to ‘designed in China’ (as stated in the 12th 5 year Plan). In its Textile part, the Plan calls for the establishment of between 5 and 10 internationally recognized Chinese brands and at least 100 nationally recognized brands by 2015. It also says more education should be implemented in brand management and brand building in order to bolster China’s fashion industry. As Lin Yun Feng, VP Chinese Chamber of Commerce of Textile Industry said in a recent interview: « Chinese competitive companies will go the quality-way. They will work with European designers. I cannot exclude that those that fail to evolve in this manner will go bankrupt. »

Therefore my advice to Chinese firms who want to create world class premium and luxury brands lies in 3 words: Buy / Hire / Learn.

• Buy expensive brand management expertise and/or buy brands (and respect their business culture)
• Hire international talent in all dimensions of brand management
• Learn from competitors with the help of international business schools.

Luxury Retail Management: une Introduction

Je me propose de partager avec vous l'introduction à notre livre "Luxury Retail Management" - afin de vous donner envie d'en savoir plus! Bonne lecture...

 

 

Luxury retailing adheres to a distinct business model.  This book takes us through its major elements.

(...) What makes luxury brands unique (as we discuss in Chapter 1) is that their longevity and growth is built on the very special relationship they create with their customers. It is fundamentally emotional; bringing together the name of the brand, its heritage, and the design and quality of its products. This relationship, which traditionally had been built in a top-down manner (the brand talks to the customer; the customer accepts the brand as it is), is now changing. Twenty-first century customers are of a different essence than their predecessors.

Twenty-first century customers respect both the luxury brand and to the emotional link they have with it, but also ask to be recognized, addressed as important individuals and given best-in-class service. The new customer wants personalization - both in the product (can I get my initials on this bag?) and in the service (I was greeted by name!).  Luxury brands now have new questions on their agenda: How can we give our customers a memorable experience?  (...)

This book’s objective is therefore to provide readers with answers to the five critical questions a luxury brand manager has to address when setting up such a strategy. (...)

Question 1: What Distribution Channel Do I Choose?

The choice is quite simple: There are four major channels to be explored. We will take you through the essentials of each (Chapter 3: The Different Systems of Luxury Distribution and Chapter 4: Internet as a Channel of Distribution) (...)

As this is ultimately a book about retail management, we then shift our focus squarely on the luxury store. This will lead us to the next questions.

Question 2: Where Do I Set Up My Store(s)?

We will explore countries and cities, and discuss flagship stores, megastores, secondary stores, and pop-up stores. We will select the streets where luxury stores simply must be. This will lead to trade area analysis and its application to luxury (Chapter 5: Luxury Store location).

We will then step inside the store and answer two further critical questions:

Question 3: What Is My Store Concept?

The store, being the place where the brand meets the customer, needs to have a strong and differentiating design, a specific merchandising strategy, and unique windows that will convey the brand vision to its customers. We will look at the role of the artistic director in designing the store concept and how visual merchandisers will help implement it (Chapter 6: Luxury Store Concept and Design).

Question 4: How Do I Manage the Store?

A luxury brand store - not very different from other stores - is a mix of a product offer (what products in which store?), a pricing strategy (do I sell my products at the same price in all stores worldwide? how do I price them compared to my competitors?), a set of metrics (what critical indicators should I include in my business plan?) and sales staff (who do I hire? what are their critical competencies? which compensation system should be set up?). This will take us into the details of store management, where we will examine both the commonalities that luxury brands share with all other retail brands and their differences.  Since “retail” as a discipline is a completely new competence for luxury brands, we have included a Retail Toolbox that can be found in the Appendix. (Chapter 7: Luxury Store Economics and Chapter 8: Luxury Retail Pricing).

Luxury brands have discovered with time that customers are not necessarily loyal, given the growing competition between brands. The Internet and other major consumer mega-trends have empowered customers. Customers now ask the luxury brands to respect them, to engage them in conversation with them and to re-enchant their world. Luxury brands, therefore, are being asked to shift their erstwhile inward focus to their customers instead. This opens new questions for luxury brand managers, one of which is key - the loyalty issue. The luxury store has a major role to play here, because this is a major battleground of the brand experience.

Question 5: How Can I Build Customer Loyalty and Provide a Memorable Brand Experience?

Luxury brands have understood that they should not just wait for customers to enter their stores, but must build a long-lasting relationship with them. They also know that the store - and now the Internet - are where they meet their customers. This gives new importance to what happens on the floor and to how customer journeys are to be designed. This leads brands to design specific customer relationship strategies that encompass both the development of important communication strategies and the excellence in customer experience that their customers are looking for (Chapter 10: The Importance of Stores in Customer Relationship Building , Chapter 11: Building Loyalty in Luxury Brands, and Chapter 12: Advertising and Communication).

 (...)

We will end our luxury retail journey by suggesting luxury brands should also look into three future issues:

Future Issue 1: Inventing new store formats to develop the emotional bond with the customers.

Future Issues 2: Dealing with the China Retail Footprint, which may be growing too fast.

Future Issue 3: Inventing twenty-first century luxury retail, by making each store visit a new experience for customers (Chapter 13, The Future of Luxury Retail).

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Comment Walmart utilise internet

Je souhaite attirer votre attention sur trois initiatives récentes de Walmart témoignant de la stratégie de l'enseigne en matière de digital:

• Créer du lien avec les consommateurs: "Get on the Shelf" est un concours qui permet de présenter un produit ("innovant" / "fun" / "cute") grace à une video. Les internautes sont ensuite appelés à voter et le produit gagnant sera référencé dans les magasins Walmart. Les chiffres sont impresionnants: entre le 9 janvier et le 22 février 4000 produits ont été présentés (un 'lunch-bag' réfrigéré / un kit de réparation pour les lunettes / une eau vendue au bénéfice des personnes n'ayant pas accès à l'eau...). Lors de la première journée de vote le 7 mars 93% des produits ont reçu des votes. Chaque jour environ 55000 votes ont lieu pour 92000 visites. 10 finalistes viennent d'être désignés:
  
  
• Créer du lien avec les équipes marketing et aider les marques à se développer: Walmart propose aux marques avec lesquelles ils travaillent un "Retail Development Kit". Il s'agit de leur offrir plusieurs plateformes sur lesquelles s'exprimer: des publicités TV en coopération / des publicité sur les écrans dans les magasins / des publicités sur le site walmart.com et - beaucoup plus innovant - la possibilité de "piggyback" sur les programmes medias sociaux de Walmart - comme "My Local Walmart" sur Facebook - et donc d'accéder aux 10 millions de Facebook fans de l'enseigne magasin par magasin.
  
  
• Se doter d'un laboratoire à idées digital: ces initiatives sont toutes issues de @WalmartLabs, une structure lancée en avril 2011. Cette équipe se présente comme "innovator in social and mobile commerce"  - "this is where we define the future of commerce". Un de ses projets les plus ambtieux est le "Social Genome": "The Social Genome is a giant knowledge base that captures interesting entities and relationships of the social world. Example entities include people, events, topics, products, locations, and organizations. Example relationships include a person being interested in a topic, a person attending an event, an event is about a certain topic, an organization is associated with a product, and so on".
  
  

Walmart s'est ainsi doté en un an d'une véritable stratégie digitale - en achetant des start-ups de la Silicon Valley et en localisant l'ensemble de ses opérations digitales en Californie (AdAge nous dit que "In April, Walmart purchased Twitter app developer Kosmix for $300 million and instantly refashioned it as Walmart Labs, its social and e-commerce research-and-development unit in Mountain View, Calif. Within months, Walmart Labs had added advertising network OneRiot and mobile app developer Small Society - acquisitions aimed at grabbing talent - and had managed to assemble a formidable presence in Silicon Valley.").

 

Chine: vers le bio et le naturel

Lors de mon récent voyage à Shanghai la visite d'un nouveau shopping mall, Joy City, m'a convaincu que les produits naturels et bio allaient se développer rapidement sur le marché chinois. Deux points de vente nouveaux y sont installés:

• Une boutique Organic+ proposant des marques de beauté européennes bio (Weleda, SoBio, Patyka, Planet Kid...). Il y a actuellement une dizaine de boutiques Organic+ en Chine. Le créateur de cette chaine, Edward Lu, m'a expliqué que la montée des dangers pour la santé des chinois (pollution de l'air, aliments frelatés..) les amenaient rapidement vers des produits naturels et certifiés. La presse de janvier était effectivement remplie d'alertes sur la qualité de l'air à Beijing comme à Shanghai, présentait l'objectif de 10% de bus verts d'içi 2015 à Shanghai et dénonçait des scandales alimentaires.
  
  
  
  
  
• Le conglomérat (agroalimentaire et immobilier) COFCO installe un point de vente de produits naturels - prenant des engagements en matière de provenance (région de production), et de certification qualité (ISO 9001 / HAACP) ("Good Pomegranate / Good Region / Good Techniques / Standardized management). Tous ces produits sont sous sa propre marque (qui n'existait pas en tant que telle jusqu'à présent).
  
  
  
  
  Comme le dit Patrick Yu, leur CEO: "The core objective of COFCO's industry-chain development roadmap is to solve the problem of food safety, a problem which is the biggest headache for customers now".

Ces deux initiatives montrent bien que le marché chinois se sophistique très rapidement et qu'il nous réserve des suprises - autant en distribution de la beauté qu'en food.

 

La Trocade : l’émotion au cœur de l’Art contemporain

par Virginie Michelet

Ils étaient trois mille, les 25 et 26 novembre derniers, à se presser autour des 85 œuvres d’art contemporain présentées dans une galerie éphémère du centre ville de Marseille. Depuis quand une exposition de jeunes artistes contemporains suscite-t-elle autant d’engouement ? Depuis qu’Emmanuelle Saint Denis, fondatrice de Mouv’art, et ses comparses de Marseille Off 2013 ont décidé d’organiser la première Trocade en France. Qu’est-ce qu’une trocade (un peu comme dans « chamade », on sent le coup de cœur qui murmure à l’oreille des amateurs) ?
Imaginez que vous ayez très envie d’une des œuvres exposées (et c’est tout à fait probable parce que la qualité était au rendez-vous, qualité dont le parrain, Gérard Traquandi, était un des garants). Donc, vous en avez envie. Alors vous achetez cinq euros un paquet de post-it, et vous écrivez sur certains d’entre eux ce que vous avez à offrir en échange de l’œuvre désirée. Et là, vous vous laissez aller à rêver.

Je sais, j’étais là. Je les ai vu les post-it : « votre tableau contre ma belle mère pour un weekend ou…des cours d’italien », « maison de 150 m2 à Saint…+jardin+potager+vie commune à vie » « je propose des massages chamaniques de Polynésie et/ou des cours de yoga Kundalini » « une semaine à Venise dans mon appartement près du Grand Canal » « un déjeuner par jour pendant six mois ou plus à négocier », « une exposition dans ma galerie »… et tant d’autres.

J’ai vécu avec émotion les témoignages de certaines personnes, rencontrées au hasard : « Je me suis laissé entraîner par mon amie, moi, je n’aime pas l’art, ça m’ennuie. Mais là, c’est différent. Pour quelqu’un qui a une vie un peu encadrée comme la mienne, se retrouver là tout à coup, c’est comme si on aérait sa tête » « ce qui me plaît vraiment, c’est que tout le monde se  parle… »
Après deux heures passées à écrire seulement deux post-it, quelqu’un est venu me trouver, chancelant d’incertitude : « Près des deux tableaux que j’aime, j’ai placé mes propositions au dessus de toutes les autres, vous pensez que j’ai une chance d’être pris? » Car ce sont les artistes, bien sûr, qui vont choisir l’offre qui les tente le plus. « Le coup de cœur, c’est dans les deux sens » me confie Emmanuelle Saint-Denis.
Et moi, j’ai regardé tous ces gens qui admiraient les œuvres, les jaugeaient à la lumière de leur proposition, de leur désir, écrivaient sur leur post-it, le déchiraient, en choisissaient un autre, et finalement l’apposaient sur le mur, avec nonchalance, ou application, ou passion, comme un jeu, une farce ou bien se prenant à imaginer qu’ils rencontrent l’artiste, discutent avec elle ou lui, remportent haut la main cette sorte d’enchère qui n’a rien à voir avec le système dans lequel nous naviguons bon gré mal gré… En les voyant toutes et tous si libres, si heureux, amusés, plein d’entrain, j’ai pensé à de grands enfants qui joueraient à coller leurs espoirs sur un mur, tel les pèlerins qui, à Jérusalem, glissent leur papier entre deux interstices d’un autre très célèbre mur.
Il n’était soudain plus question de jugement intellectuel, de déambuler dans un espace trop grand, trop vide, qui vous dicterait ce que vous devez penser. Il était juste question de plaisir et de simplicité. Est-ce parce qu’on ne parlait plus d’argent ? Est-ce parce que tout à coup les visiteurs se sentaient investis, actifs, créateurs ? Je suis sortie de cette Trocade le cœur chamboulé, avec la certitude que je venais de vivre un des ces signaux faibles qui, à force de converger, deviennent des signaux forts qui font trembler les anciens systèmes et advenir les paradigmes de demain.

Virginie Michelet.

[email protected]

L'intégration des canaux vue par P&G

Dans une enquête présentée la semaine dernière à l'occasion du WWD CEO Summit à New York, les CEO des retailers interrogés ont déclaré que “seamless, easy cross-channel integration was the key game changer today and would continue for the next few years”.

P&G se pose à l'évidence la même question: comment accéder à nos consommateurs/consommatrices et entretenir une conversation avec eux alors que nos ventes se font en grande distribution?

Dans un post précédent du 16 janvier 2010, je vous ai présenté deux initiatives de P&G qui déjà allaient dans ce sens:

• l'ouverture d'un site de e-commerce regroupant un certain nombre de leurs marques (Olay / Pampers / Tide entre autres..).
• l'utilisation au Canada de pop-up stores, les "Look Fab Studios"

Ce travail se poursuit depuis un an avec une nouvelle initiative: "Have you Tried This Yet?".

P&G est parti du constat que de nombreux lancements de produits pouvaient passer inaperçus et que 42% des essais de nouveaux produits se faisaient dans les 6 mois suivant le lancement. Il fallait donc abandonner les approches classiques et sortir de la distribution en trouvant des points de contact nouveaux avec les consommateurs. La campagne "Have You Tried This Yet?" s'est déployée en deux temps:

• Fin 2010, début 2011 avec l'ouverture de pop-up stores à New York et Miami entre autres, offrant aux consommatrices la possibilité de découvrir 15 à 20 des nouveaux produits de l'année des marques de P&G, des espaces de conseil, des espaces de maquillage et de soins ainsi que des échantillons et des coupons de réduction. Les résultats ont été au rendez-vous: P&G annonce que certains distributeurs ont vu les ventes des produits en question augmenter de 10%.
  
  
  
  


• Fin 2011 l'accent est mis sur les médias sociaux et internet: le site pgtryit.com accueille des avis de consommatrices (écrits ou en video) et met en scène des bloggeurs ou des célébrités.

Bien sur nous sommes loin de la sophistication des stratégies intégrées de Lancôme (que je vous ai décrite dans mon post du 12 février 2011) ou d'Estée Lauder en Chine - mais l'objectif est le même: établir un dialogue avec ses consommateurs, les mettre en contact avec les nouveaux produits, leur offrir des services et des conseils (jusqu'alors prodigués exclusivement par les distributeurs spécialisés comme Sephora en beauté) ainsi que des réductions - le tout à l'extérieur des hyper et supermarchés.

L'intégration Retail/Internet - le nouvel enjeu

Les acteurs de la grande distribution sont en train de procéder à des expérimentations passionnantes portant sur l'intégration entre leurs magasins et leurs ventes on-line. Les distributeurs doivent faire face à deux éléments qu'ils n'avaient pas anticipé:

1. La montée en puissance du e-commerce - et leur retard relatif: ainsi le e-commerce représente moins de 2% des ventes de Walmart aux USA.
2. La concurrence directe des "pure players" comme Amazon ou eBay:
   
   • Amazon, désormais le plus grand magasin on-line (avec un taux de croissance annuel d'environ 30%!), les concurrence directement avec une offre qui va jusqu'aux produits frais.
   • ebay vient de lancer une initiative m-commerce unique: des vitrines présentant des produits flanqués de QR-codes viennent d'être inaugurées à New York. Le CEO de ebay affirme: “Retail and ecommerce are becoming one. Consumers don’t make a distinction between the two.”
     

Les initiatives de Walmart et Tesco sont donc à suivre de près:

• Walmart vient d'ouvrir deux pop-up stores dans des shopping malls de Californie (100m2 et 300m2). Ces boutiques éphémères se présentant sous l'enseigne walmart.com: les consommateurs peuvent soit y retirer des commandes effectuées sur internet, soit découvrir une gamme de produits à forte valeur ajoutée (jouets, communication, informatique, jeux videos..) et les commander sur place.
  
  
• Tesco expérimente un magasin virtuel dans le metro coréen: des murs entiers sont couverts d'images de produits, avec leurs prix et des QR-codes, permettant ainsi aux consommateurs de faire leurs courses virtuellement et de se faire livrer le jour même (pour les commandes arrivées avant 19h). Les résultats de cette initiative ont largement dépassé les attentes de Tesco comme l'indique ce film:
  
  

Deux ensignements ont à retirer de ces différents exemples:

1. Un distributeur arrive ainsi à se développer sans créer de nouveaux espaces physiques habituels: pas d'hypermarchés mais des murs virtuels ou des pop-up stores
2. La force derrière ces initiatives n'est plus le e-commerce mais le m-commerce: l'ubiquité des mobile phones et l'utilisation extensive qu'en font les consommateurs font de ces outils le véritable point de contact entre les marques et leurs clients.

Li & Fung - du courtage aux marques

Nous venons d'apprendre coup sur coup deux rachats de marques de luxe européennes par Fung Brands Limited - un des fonds d'investissement (rattaché à Fung Capital Europe) de Victor et William Fung:

• le rachat de 80% des parts du maroquinier belge Delvaux au travers d'une filiale ad-hoc DLX Holdings. Fondée en 1829 à Bruxelles, Delvaux est depuis 1883 le fournisseur breveté de la Cour de Belgique. La marque possède trois ateliers de production à Bruxelles, à Bourg-Argental (France) et à Hô-Chi-Minh Ville (Vietnam). La société gère 10 magasins en propre et compte 220 employés pour un chiffre d'affaires annuel de 17 millions d'euros.
• le rachat à 90% de Robert Clergerie au travers d'une filiale, RC Holdings. La marque compte environ 200 employés, gère un réseau de 20 magasins en propre dans le monde et possède un atelier de production et son centre de développement à Romans. Son chiffre d'affaires annuel s'établit à plus de 20 millions d'euros.

Il me semble essentiel à cette occasion de décrypter la stratégie du groupe Li & Fung. Je vous propose de nous arrêter à 6 éléments essentiels:

1. L'arrivée de Victor et William Fung à la tête d'un groupe familial chinois de courtage en 1989. Conscients que le rôle de courtier était voué à disparaître ils vont transformer totalement l'entreprise en en faisant un acteur essentiel du sourcing international. Comme le dit Victor Fung: "Through a network of 80 sourcing offices around the world, Li & Fung sources high-volume, time-sensitive consumer goods – such as garments, fashion accessories, furnishings, gifts, handicrafts, home products, promotional merchandises, toys, sporting goods, and travel goods – on behalf of customers worldwide. Li & Fung provides its customers with the convenience of a one-stop shop with a value-added package starting from product design and development, through raw material and factory sourcing, production planning and management, quality assurance and export documentation, to shipping consolidation. And, instead of owning production facilities, Li & Fung manages over 10,000 quality-conscious, cost-effective producers who deliver on short deadlines for its customers." Il ajoute: "We call ourselves an “information company”, relying on a far-flung network of suppliers to do the work" (Competing in the flat world: the Li & Fung Experience, Juillet 2008). Ils travaillent ainsi pour Tommy Hilfiger, KarstadtQuelle, Liz Claiborne, Walmart, Helly Hansen, Timberland, Mexx, Toys "R" Us...
2. Cette stratégie initiée en mode et dans les jouets va être développée à partir de 2009 en beauté: le rachat de Jackel Group en 2010 leur permet ainsi de devenir full-service providers pour les marques souhaitant développer des marques propres ou des MDD en beauté.
3. Dans un deuxième temps Li & Fung va se constituer en société de distribution - essentiellement sur le marché américain. Ils vont ainsi pouvoir offrir à leurs clients (pour lesquels ils conçoivent et fabriquent des produits) de les distribuer en s'appuyant sur leur savoir-faire logistique. La distribution se fait essentiellement sous la forme de licences. Ils mettent un premier pied dans le retail en acquérant la licence de distribution de Toys "R" Us sur l'Asie du sud-est- et en installant des boutiques de la marque.
4. Dans un troisième temps Li & Fung vont acquérir des licences de marques - leur permettant ainsi de développer un savoir-faire complet allant de la création/développement à la distribution.
5. Forts de leur savoir-faire en matière de distribution ils vont monter une structure indépendante - Trinity - spécialisée dans la mode masculine qui va prendre des licences de distribution pour plusieurs marques de haut-de-gamme et luxe. Pour chacune d'entre elles Trinity va développer des réseaux de boutiques: ils en ont ainsi 409 en Chine. Ils montent ensuite un joint venture avec Salvatore Ferragamo qu'ils distribuent en Corée, Singapore, Malaisie et Thailande. Ils se dotent ainsi d'un véritable savoir-faire en retail.
6. La dernière étape est l'acquisition de marques de luxe - soit via Trinity (Cerrutti 1881), soit via le fonds Fung Brands Limited. Le savoir-faire manquant - la gestion de marques - est à leur portée, d'autant plus qu'ils s'entourent de dirigeants venus du luxe.

Li & Fung est devenu ainsi en quelques années un groupe chinois mondial - contrôlant la totalité des savoir-faire nécessaires au développement de marques, du mass-market au luxe, de la mode à la beauté. Ils sont incontestablementun acteur majeur à surveiller de près!

 

Missoni pour Target: succès ou échec?

Target a annoncé en mai dernier une nouvelle collaboration avec une marque premium - en l'occurence Missoni (après Liberty en 2010): une collection de plus de 400 références en mode, accessoires et maison lancée le 13 septembre. Ce lancement a été précédé d'une campagne marketing exceptionnelle - permettant de donner à l'évènement un retentissement certain:

• une série de publicités pour la télévision sont réalisées
  
• un blog a été créé "All the Way Up Here" - dont l'auteure se présente comme une fan de Margherita Missoni.. et qui s'avère être une poupée
• cette poupée de 8 mètres de haut - nomme "Little Marina" - est "installée" au coeur de New York à Bryant Park (6ème Avenue & 42nd Street) au sein d'un pop-up store. Elle a ses propres comptes Tumblr et Twitter en plus du blog. Le buzz sur les médias sociaux est lancé.
  
• Ce pop-up store de 800 m2 a été ouvert à l'occasion de la Fashion Week, une semaine avant le lancement officiel de la ligne chez Target (voir un diaporama ici). Des produits en série limitée y sont présentés et vendus. Le succès est immédiat.Comme le précise WWD: "At a press event that evening, editors and celebrity guests stripped the store bare. Merchandise was replenished for Sept. 8 and Fashion’s Night Out, but didn’t last long. As crowds lined 42nd Street from the pop-up shop to Times Square, shoppers inside asked sales associates to strip clothes off mannequins. One of the most expensive items, a bicycle, priced at $399.99, sold out of all 158 units."

Le 13 septembre le lancement s'avère un tel succès que le site target.com "saute". Les produits sont indiqués comme "épuisés" rapidement:

Depuis le web est rempli de débats sur cette opération, les médias sociaux s'emballent en commentant l'échec de Target, les clients déçus se manifestent:

• certains disent avoir passé une commande sans jamais savoir s'ils seront livrés
• d'autres recoivent des courriers de Target leur annonçant que leur commande ne sera pas honorée
• d'autres enfin voient arriver leur commande alors qu'ils étaient persuadés qu'elle ne serait jamais livrée

Target fait face:

 

Quelles leçons tirer de tout ceci? J'en vois deux, toutes deux positives:

1. Pour Missoni: la marque italienne, très peu implantée aux USA, voit sa présence affirmée, se crée une image et une renommée. L'association avec Target ("Design for the masses") est tout à fait cohérente: le distributeur a construit son image sur son travail avec des designers et des marques premium - offrant à ses clients des produits d'exception en série limitée et à prix "discount".
2. Target renforce son image: la ruée vers les produits et le crash de son site web vont lui bénéficier à moyen terme. En effet la montée de la frustration de ceux qui n'ont pu accéder aux produits Missoni, loin de les faire fuir vers d'autres enseignes va les inciter à revenir l'année prochaine lors de la prochaine opération et va les rendre encore plus sensibles aux avantages concurrentiels de Target.

The Body Shop chez Sephora US

Sephora US et The Body Shop ont annoncé en février dernier une collaboration inédite: selon WWD (18 février 2011) Sephora référencerait des produits exclusifs The Body Shop dans 170 de ses 230 points de vente aux USA. Ce partenariat mérite réflexion - puisque la marque de beauté s'est construite sur la maîtrise de sa distribution, celle-ci ne se faisant que dans ses propres boutiques (dont 300 aux USA).

• L'offre: le site sephora.com propose 44 références The Body Shop dont 11 indiquées comme "exclusives". Il s'agit essentiellement de packs et de formats différents: ainsi le Olive Body Butter est proposé dans un conditionnement de 10.1 oz contre 6.9 oz sur le site de la marque à $20 (contre $18). 
• Les prix: une analyse des prix montre que les prix des produits "exclusifs" sont inférieurs d'environ 20 à 25% chez Sephora. Les autres sont identiques.
• Le merchandising: un espace "brandé" The Body Shop est proposé dans les magasins Sephora - "merchandised as a brand in a full bay presentation dedicated to The Body Shop".

Cette initiative est à mettre en perspective avec une nouvelle passée inaperçue: The Body Shop US (suivant en cela un mouvement initié par... Sephora - voir mon post du 13 décembre 2009) a mis en place des distributeurs automatiques. Là où Sephora s'est contenté d'investir les aéroports, The Body Shop a choisi de s'installer dans des shoppings malls et des supermarchés: Kroger Marketplace, Stop & Shop, H-E-B et Jewel Osco.

Nous assistons donc bien à la mise en oeuvre d'une stratégie de banalisation de The Body Shop aux USA: la stratégie d'exclusivité est en passe d'être très largement "atténuée" par le doublement des points de vente ainsi opéré. Toute la question est de savoir quelles conséquences cela pourra avoir pour la marque: pourra t-elle défendre son positionnement avec la multiplication des canaux de distribution... et la différence sensible de prix?

Certains internautes semblent en douter:

lara / the glossarie.: i am definitely with you, muse. this is a weird one for me? i associate them as two totally different types of companies and i love visiting the body shop because it’s different from sephora. kudos to them for wanting to get their products out to more people, it just compromises their boutique-iness for me, i guess.

Kel: I prefer to buy the products in The Body Shop store. It’s such a cute little store and I feel like it’s not crowded the way that Sephora is. Shopping in Sephora makes me feel like a squirrel in a field full of hawks. They don’t keep their eyes off you

the Muse: lol kel! I agree about Sephora but I also feel TBS employees are annoying and keep asking can I help you, have you tried this, have you tried that, etc…so I’m actually more comfortable in Sephora as they do watch you like a hawk but at least they are jumping on you about this product and that one and proceeding to mist you and slather it on, etc

Mais la question soulevée (la pression des vendeurs) nous renvoie à une toute autre question: les rémunérations à la commission spécifiques aux USA - et qui est loin de concerner seulement The Body Shop.

Je trouve cette initiative intéressante, à une condition: que l'expérience consommateur vécue dans une boutique The Body Shop soit véritablement le reflet des valeurs très fortes de la marque - expérience que Sephora ne pourra jamais proposer. Or on peut se demander si cette expérience existe véritablement....

Retailing Luxury in a Reset World

Umberto Angeloni, ancien CEO de Brioni, CEO de Caruso & créateur de Uman, a accepté de partager sur BrandWatch ses réflexions sur l'avenir des marques de luxe et du retail. Il m'a semblé essentiel, dans cette période où tous célèbrent le retour du "business as usual" et suivent des yeux le redémarrage rapide des ventes des marques de luxe, de revenir à des interrogations importantes - tout particulièrement sur les évolutions fondamentales des attentes des consommateurs dont nous sommes témoins aujourd'hui. Encore faut-il que les marques de luxe s'y intéressent...

 

“We love questioning. Questioning conventions. Questioning design. Questioning value for money.”
This statement is not by a fashion or luxury brand, it is by Hyundai motor company, in a recent double-page advertisement in the Economist (April 2nd), with no product being shown, just a big white question mark on a blue background [part of the “New Thinking – New Possibilities” campaign].
One quick look at the advertisements currently featured by luxury brands shows quite an opposite perspective  – lots of showy product and a flat message of glamour, glitter and gold.
But how can we tell which of the two approaches is the right one, i.e. the one which better resonates with the sentiment of today’s affluent consumers?
I believe that any meaningful discussion about tactics and strategies in an industry, all industries, should begin with a clear vision of the environment we live in  – society, culture, science, ethics, beliefs, economics, technology –   and how its evolution impacts customers’ behavior. This is especially true today, when so many of said variables are changing, and to such an extent that any practice based on past experience or abstract theory runs the serious risk of being totally irrelevant. Naturally, there is more than one reality co-existing at the same time and in different geographic markets, but there is no denying the fact that we are now collectively living into what has been defined a “Reset World” (1), and that the affluent consumer is much more global than we may suspect.
If one accepts such a scenario, the next step is to start questioning.                                     
The necessity of assuming this radical perspective has already become evident to the more visionary observers and bolder entrepreneurs. Tyler Brulè just published the “Global Rethink Issue” of Monocle, which he opens by saying that: “Sometimes you just know it’s time to go back to the drawing board, to take a fresh look at everything you do. That’s especially true for retailers with tired concepts… and those with the confidence to burst out of the recession with a new look and direction are sure to be on top.”  Uman was likewise launched in 2009 with a mission: “to review, re-evaluate or revolutionize, as needed, all the assumptions, rules, rituals, and processes that have been at the basis of the fashion and clothing industry up to now” (2).

I am not an expert in retailing, nor a retailer by profession, and therefore it would be presumptuous of me to provide advice or comment on the mechanics of this industry. However, I do believe that an industry such as fashion and luxury retailing, which deals directly with the most sophisticated consumers, cannot afford to overlook the need to question and evolve. Therefore, what I plan to do with this essay is primarily to raise some questions, and to share my personal sense of energy and urgency towards evolution in our business.
Fashion is supposed to inspire consumers and luxury is expected to enrich their lifestyle, but how can they do so if the companies that create, promote and distribute luxuries do not themselves understand the evolution of consumers’ beliefs, needs, priorities, values? It is ironic that while fashion brands have been on an endless hunt for a “new” customer, it eludes them that he/she is finally here…. clearly, they were just looking for the “next” customer. Whom they now believe to have found in China, and perhaps online.
In terms of distribution, the Brands have definitely stated that they now put all their faith in the DOS model, especially in the mature markets (Europe, Japan, the USA); which means that they will showcase their best and newest products only in their own flagships and official e-commerce sites. Second-tier preferred distribution channels will be the franchises or the joint ventures (still the mono-brand format), especially in the newer markets, which they see as powerful generators of future demand. Outlets and other direct means of distribution (duty-free, catalogs) will complete the company-controlled retail network.                                                                                                                                                  
Where does all this leave the so-called “independents”?  Having borne more than their share of the downturn, with no help from the brands, some can remain as distributors. Provided they do what they are told  – in terms of layouts, minimums, styles, prices, sales. The luckier ones will also be offered construction money, so that they can surrender the best part of their retail space to the control of some brand.
So here comes the first big question. Should the truly independent multi-brand retailers take control of their own destiny and charter a new path? Should they be content to participate in a recovery or should they also attempt to become leaders in a renaissance? 
Reading the trade literature and listening to what is being declared at retail summits, it seems that there is little appetite (or courage) for the bolder approach. Actually, typical reactions by retailers so far have been:

1. Staying “loyal” to the brands, offering them more space, hoping for their magnanimous support
2. Buying “lesser” goods (cheaper and with less quality) as the consumer is deemed wanting to trade down
3. Trying overly fancy and sporty items as the classic ones are considered “dead” for the moment

All of this is defensive action, not proactive; driven by anxiety, not by intelligence; contrary to sound wisdom (“always trade up your customer” once taught me Harry Rosen) or past experience (when were brands ever loyal to retailers?). But the main flaw of this “strategy” is the fact that it goes in the wrong direction, i.e. contrary to consumers’ real benefit and inner desire: the consumer wants better prices and better quality. In other words, he wants to trade-up in value. And he is not changing his tastes or sense of style, merely containing his purchases both in a spirit of shijuku (3) as well as to make better decisions.   
But let’s assume for argument’s sake that the answer was yes! Then the challenge becomes to defining the “formula” for a seriously evolved multi-brand retail model.
A lot of statistics and advice is made available by the many research firms and consultancies that operate around the retail industry, too often presented as lists of  “zeitgeist retail trends” or “global retail insights”, that can be found simply browsing the web. In my experience, they often range from either truisms of the “La Palice” kind, such as: "…hire nice, smart, talented people " (Dionco Inc.), enigmatic statements like … “a store environment needs to be real”  (World Retail Congress 2010), or formulaic suggestions, like "… focus on behavioral targeting as a way to drive increased engagement…" (Forrester Research).
Let me clarify that I obviously do recognize the value of investing in superior assets, whether of the technological or human kind, either material or immaterial, and the benefit of constantly improving the quality of a “technique”. Mitchells is a prime example of this in the field of CRM. I am also a believer in analyzing data as the basis for better decision-making and ultimately better performance (4). However, it is my opinion that the current market circumstances require a more holistic and evolutionary approach.

Luxe: les nouveaux formats "Retail" sont en Asie

Deux nouveaux concepts de boutiques illustrent bien la recherche menée actuellement par les marques de luxe sur leurs formats "retail". Ces deux initiatives ont vu le jour en Asie - montrant non seulement que ce sont les marchés les plus importants pour les marques de luxe, mais aussi qu'une marque peut y être innovante.

Dior vient de rouvrir son flagship de Hong Kong (One Peking Road, Kowloon) - proposant sur 1000 m2 et 3 étages la totalité de son offre femme (vêtements, maroquinerie, chaussures), bébé et homme - ainsi que ses gammes de montres et de joaillerie. Seule la beauté n'est pas présente. Conçu comme un véritable appartement moderne (comme une lointaine évocation du flagship de l'avenue Montaigne) il est doté de tous les codes de la marque comme le gris et le cannage reproduit sur le sol de la section "sacs". Mêlant mode et art, Dior se présente comme une marque lifestyle.

Hermès prend le chemin inverse. Ayant constaté que ses montres se trouvaient trop souvent vendues dans des univers multimarques peu cohérents avec le statut de la marque (comme ici à l'aéroport de Shanghai!),

la marque a décidé de tester des shop-in-shops dans les grands magasins puis de créer des boutiques La Montre Hermès: cela lui permet de valoriser son histoire (sa première montre date de 1928) et son savoir-faire horloger. La première a été ouverte à Singapore en face de la boutique Hermès. Le résultat est étonnant: non seulement la nouvelle boutique a-t-elle vu ses ventes dépasser les objectifs initialement fixés, mais les ventes de montres dans la boutique Hermès en face ont augmenté de 25%! Plusieurs autres boutiques ont suivi: Taipeh puis maintenant Shanghai.

Dior comme Hermès cherchent à magnifier leur histoire: l'une en regroupant la plus grande partie de son offre en un lieu unique miroir moderne de sa boutique d'origine; l'autre en sortant de l'univers multimarque pour déployer son storytelling de marque.

Une question: quand les lunettes et la beauté - traditionnellement cantonées dans leurs circuits respectifs - rejoindront-elles les flagships lifestyle des marques?

Herborist, une marque chinoise à surveiller

En mai 2009 - je vous ai parlé d'Herborist, que je citais comme exemple de nouvelle marque de luxe chinoise. Deux ans plus tard j'ai profité de mon récent voyage en Chine pour faire le point sur le développement de cette marque: ce que je pressentais se confirme, mais un rapide retour en arrière est nécessaire pour comprendre ce qui est en jeu ici.

En 2005, essentiellement distribuée dans des corners de grands magasins en Chine, la marque atteint un chiffre d'affaires d'environ 100 millions d'euros et elle décide de se développer à l'international. Elle vient frapper à la porte de Sephora en 2006 - afin de se faire référencer. La réponse a été claire: Sephora, intéressé par le concept fondé sur la pharmacopée traditionnelle chinoise mais trouvant les produits peu intéressants, proposa de référencer une crème pour les mains et une crème pour les pieds. Herborist prend cela comme un camouflet: cela signifie que le distributeur considère cette marque comme totalement secondaire. Mais cela les a aussi amené à réfléchir à leur identité de marque - et à la remettre à plat.

Ils décident alors de deux changements majeurs:

• Travailler avec une agence de design & packaging française (centdegrés) qui va les aider à transformer l'identité graphique de la marque - afin de la mettre au niveau des meilleurs marques de beauté internationales.
  
• Développer un réseau de boutiques en Chine afin de devenir incontournables sur leur marché domestique
  
  

Le résultat est phénoménal: Herborist a maintenant 1000 boutiques en Chine, un spa à Shanghai et un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros.

Deux enseignements sont à tirer de cet exemple:

1. La volonté des marques chinoises de se développer comme des marques internationales est très forte: mon récent voyage me l'a confirmé. La Chine est en train de développer de nombreuses marques de luxe qui vont prochainement, une fois assises sur leur marché domestique, se développer à l'international.
2. Ce développement se fera d'autant plus rapidement qu'elles sauront s'entourer de conseils d'experts européens et français en particulier - la France étant considérée comme une référence en matière de business model du luxe.

Attention à l'éthique!

Coup sur coup deux distributeurs ont été rappelés à l'ordre sur des questions d'éthique:

1. Un reportage de Mediapart a mis en évidence les contradictions éthiques de Mark & Spencer: en 2006 l'enseigne britannique a mis en place un programme "Look Behind the Label" - qui a été salué comme très innovant et distingué par de nombreux prix. Marks & Spencer y met en avant ses engagements en matière de commerce équitable, de protection de l'environnement, de bien-être animal, de pêche responsable.. Nous sommes en 2011 et l'enseigne britannique a juste oublié qu'une politique responsable et durable doit aujourd'hui inclure une dimension humaine: le reportage de Mediapart montre que les conditions de travail dans les usines textiles chinoises fabricant pour M&S sont inacceptables. Comme le raporte FashionMag.com "dans l’usine Per Una, qui fabrique des jupes pour le distributeur britannique, les horaires quotidiens iraient de 8h du matin à 21h ou 22h le soir avec deux jours de congés … par mois ; dans une autre usine, fabricant du swimwear, les horaires iraient de 7h à 21h avec un hébergement dans des locaux jugés insalubres".
   Ces engagements - effectivement innovants en 2006 - sont aujourd'hui insuffisants: la mise en place du Sustainability Index par Walmart en 2009 - qui consacre une section entière à la "production éthique et responsable" pose des questions nouvelles comme : "Do you have a process for managing social compliance at the manufacturing level? Do you work with your supply base to resolve issues found during social compliance evaluations and also document specific corrections and improvements?" Cette campagne faisait partie du repositionnement stratégique d'une enseigne en perte de vitesse - et a très certainement atteint son objectif. Toutefois la notion de "responsabilité" évolue avec le temps: Marks & Spencer se doit de mettre à jour ses engagements.
2. Groupon - le site d'achats collectifs devenu en un an un des phénomènes du web - a fait une erreur stratégique dans ses choix publicitaires lors du récent Super Bowl. Mettant en avant des "causes" comme la survie des baleines, la forêt amazonienne ou le Tibet avec l'aide de stars (dont Elizabeth Hurley) Groupon vantait ses bénéfices grâce à un humour stupide: "The people in Tibet are in trouble. Their very culture is in jeopardy... but they still whip off an amazing fish curry" pour finir par conseiller de ses grouper pour acheter des repas dans un restaurant!
   
   
   Ayant fait amende honorable et réécrit leurs publicités, Groupon se retrouve face à un autre défi: souhaitant rentrer sur le marché chinois, ils se heurtent à une levée de bouclier de netizens chinois mettant en avant ces publicités! Même en faisant la part du nationalisme chinois, il est évident que Groupon n'a pas mesuré les conséquences directes (aux USA) et indirectes (son entrée sur le marché chinois) de sa campagne de communication.

Nous entrons enfin dans le 21ème siècle qui - comme The Scriptorium Company le montre dans ses analyses de MegaTrends - sera une ére de la Responsabilité. La puissance du web ne fera qu'assurer le développement de ces nouvelles règles éthiques et de la demande d'empowerment des citoyens-consommateurs (comme nous le voyons actuellement dans les Révolutions 2.0 dans les pays arabes): les marques vont devoir être irréprochables.

Beauté: encore des MDD exclusives

Dans le rapport rédigé en 2010 pour Eurostaf ("Private Label Beauty Brands": voir précisions en colonne gauche de BrandWatch), j'avais identifié 4 stratégies MDD en beauté - dont une me semblait la plus prometteuse: développer des marques exclusives. Deux lancements récents aux USA montrent que cette stratégie a le vent en poupe.

1. Walmart lance en février geoGirl - une marque de maquillage destinée aux 9-12 ans (!!): cette marque exclusive (69 références) présente deux caractéristiques majeures:
   • Elle se présente comme une marque "Green Living": packagings recyclables, ingrédients naturels, sans parabens, ni phtalates, ni colorants artificiels, ni parfums de synthèse (est-ce bien possible??!!).
   • GeoGirl appartient à Pacific World Corp. - une société fabriquant des produits de beauté (essentiellement des ongles artificiels) pour le mass-market, soit sous leurs propres marques (Nailene) ou pour des marques internationales (Revlon). La marque sera distribuée en exclusivité par Walmart pendant au moins un an.
     
2. Walgreen's lance Borba (qui a un temps été distribué en exclusivité par Sephora) - une marque de cosmeceutiques et de compléments alimentaires ("Inside-Out Beauty Solutions") créée par Scott Vincent-Borba en 2004 autour des "superfruits'. En s'appuyant sur l'acquisition en 2010 de Duane Reade (qui référencait Borba), Walgreen's tente de pénétrer le segment premium de la beauté: on peut toutefois se demander si ce n'est pas aussi Borba qui se repositionne plus "mass market": les Crystalline (une boisson 'beauté') était vendue $100 les 60 (soit $1.67 l'unité) par Sephora et $7.19 les 7 (soit $1.03 l'unité) chez Walgreen's - une baisse de 38%! (le packaging aussi a changé - nettement moins premium).
   
   
   

Beauté: le mass-market se renforce dans le naturel

Les marques de beauté de mass-market - qui (à l'exclusion de LaScad avec ses gammes Ushuia Bio, Mixa Bio et Narta Bio-efficacité) jusqu'à présent avaient observé de loin le développement de produits bio et/ou naturels - se lancent dans des gammes naturelles:

1. Nivea vient de lancer Pure & Natural - une gamme de références soins, corps, bébé et maquillage (dont 11 en France), se présentant comme contenant 95% d'ingrédients naturels, sans parabens ni silicones et dont le packaging est sans PVC. Il est intéressant de noter que les références anti-âge sont distribuées en exclusivité chez Boot's en Grande-Bretagne mais que Nivea ne met guère cette gamme en avant sur son site - sauf en UK où une "notice" détaillée présente sur internet la philosophie de la gamme...
   
   
   
   
2. Neutrogena a lancé aux USA une ligne Neutrogena Naturals - avec une mise en avant très intéressante (naturals.neutrogena.com) des ingrédients, de la démarche scientifique et de ses experts comme du packaging recyclable et "post consumer recycled". Cette gamme est disponible chez Target, Rite Aid, CVS...
   
   
   

Contrairement à L'Oréal qui a choisi la voie du Bio et de la certification, Nivea et Neutrogena ont préféré mettre en avant le "sans" (parabens, phtalates, silicones, etc...): nous retrouvons là les deux grandes stratégies que j'ai présenté lors du récent Natural Beauty Summit. Je reste persuadé que la seconde a un marché mondial bien plus important que la première.

 

Customer Experience Design: un White Paper de TSC

The Scriptorium Company a mené en 2010 une mission pour une marque de luxe de beauté. Celle-ci souhaitait concevoir des "parcours clients" à cheval sur plusieurs canaux de distribution, lui permettant:

• de rentrer en contact directement avec ses client(e)s et de les fidéliser
• de leur proposer des "points de contact" cohérents avec les valeurs de la marque

Nous vous proposons de télécharger le "White Paper" décrivant cette mission.

"Case Study
Customer Experience Design for Luxury Brands
Re-engaging with consumers to design integrated customer journeys in the luxury industry"

Tesco: le nouveau design de la MDD Beauté

Tesco - dont la stratégie MDD à 3 niveaux est copiée par un grand nombre de distributeurs - ne s'était guère préoccupé de l'identité graphique de sa marque coeur-de-gamme Tesco. Autant la MDD premium Tesco Finest avait été l'objet d'attentions - et avait été largement copiée par la GMS en France ou en Suisse, autant la MDD Tesco, tout particulièrement en Beauté, restait très basique (comme chez un grand nombre d'autres distributeurs):

La donne a changée. Tesco vient de revoir complètement l'identité graphique de cette gamme. Le résultat est à même de recréer du désir autour de cette MDD - une véritable unité stylistique est introduite, dotant la marque d'une véritable personnalité à l'aide de couleurs mode, du blanc, de la transparence - et un sentiment de montée en gamme:

Au même moment Tesco introduit une gamme de produits coiffants "ProFlex" - nous assistons là à une véritable création de marque - sur le modèle de ce que Boots fait depuis longtemps. On peut d'ailleurs regretter que Tesco ne soit pas allé jusqu'au bout de cette démarche en utilisant Tesco comme une simple marque "caution".

 Il ne reste donc à Tesco qu'à revoir complètement sa MDD 1er prix dont le graphisme est digne de produits de l'ère soviétique. Gageons que cette évolution va être largement imitée: il faut bien que quelqu'un prenne des risques.

P&G innove dans ses business models

Procter & Gamble ne se contente pas de développer ses marques. La société s'est lancée depuis quatre ans dans une réflexion sur de futurs axes de développement présentant trois caractéristiques essentielles:

1. Prendre appui sur des tendances consommateurs "lourdes"
2. Mettre en oeuvre un business model innovant
3. Renforcer la valeur de ses marques

P&G a ainsi mis en place une division - P&G FutureWorks - qui s'est dotée de deux idées-forces:

• travailler de manière collaborative - avec des "apporteurs d'affaires"
• développer des business models centrés sur le service.

"By connecting with external partners, our scope has expanded beyond P&G's strategic core businesses into new channels and domains. P&G FutureWorks seeks to create adjacencies and new business models for P&G brands in high-growth categories that are on-equity, strategic and service-based".

Trois initiatives ont ainsi vu le jour depuis deux ans:

• Mr Clean Car Wash: 16 stations de lavage de voiture (dont 13 à Atlanta) capitalisent sur la marque de détergents Mr Clean (Mr Propre en France) - et la renforcent en la dotant d'une dimension "service". Développée par des franchisés, cette enseigne met en avant la propreté, le confort, le recyclage des eaux usées, le prix... et vend des produits Mr Clean.
• Tide Dry Cleaners: 4 pressing (Kansas et Ohio) en franchise offrent une palette de services inédites (drive-in / dépôt sécurisé 24-24 / same-day service / retouches...) dans un espace propre et sans effluves...
• Le rachat de MDVIP: un réseau de plusieurs centaines de médecins ayant mis en place une relation personnalisée avec leurs patients. Moyennant une cotisation annuelle de $ 1 800, chaque personne a droit à un suivi individualisé, une disponibilité 24/24 - 7/7 , un site web personnel et un accès immédiat à un médecin. Chacun des médecins gère ainsi 600 patients (contre 2000 en moyenne aux USA).

Trois éléments me semblent essentiels içi - que The Scriptorium Company développe systématiquement avec ses clients:

1. La dimension collaborative: 50% des innovations de P&G viennent de l'extérieur de la compagnie - dont ses consommateurs
2. La recherche de nouveaux business models - une approche de l'innovation trop souvent négligée et véritablement créatrice de valeur
3. Le développement de nouveaux services dans les domaines d'excellence des marques du groupe - ce qui correspond à une mega-tendance consommateurs que nous observons

 

Amazon: l'obsession du client

En juillet 2009 Amazon annonçait qu'ils rachetaient Zappos - par un jeu d'échanges d'actions. A cette occasion Jeff Bezos, fondateur et CEO d'Amazon, a publié une video dans laquelle il explique les 3 choses essentielles qu'il a appris tout au long de sa vie professionnelle en créant puis développant Amazon:

• Être obsédé par les clients
• Inventer
• Penser Long Terme

Il explique aussi pourquoi la très forte orientation-client développée par Zappos explique leur rapprochement. Comme le dit Tony Hsieh, le CEO de Zappos: "People may not remember exactly what you did or what you said, but they will always remember how you made them feel".

Je vous propose de visionner cette video - qui me conforte dans l'idée que nous développons au sein de The Scriptorium Company: les "success stories" de demain seront celles des marques qui auront construit une véritable expérience client.

Patagonia, marque responsable

Patagonia a lancé en 2005 un programme de recyclage de certains de ses vêtements - "Common Threads". En 5 ans ils annoncent avoir recyclé 6 tonnes de vêtements et récupéré bien plus. Ce programme reposait sur 3 piliers: "Reduce, Re-use, Recycle".. la marque demandant à ses clients de rapporter ses vieux vêtements - ceux-ci étant soit recyclés soit remis en état: "We stress to our customers the value of "Reduce, Reuse, Recycle." To be sustainable, clothing should be functional, timelessly beautiful, and of enduring quality. It should not be disposable fast-fashion. Old garments that are still wearable should still be worn, which might mean wearing it when doing dirty-work or donating it to people who will use it. But finally there comes a time when a garment needs to be tossed out".

Ce programme prend une toute autre ampleur à dater du 15 novembre: il repose maintenant sur 5 piliers "Reduce, Repair, Reuse, Recycle, Reimagine". Patagonia va mettre en place des étiquettes sur tous ses produits et de la PLV en magasin, incitant ses clients à:

• n'acheter le produit que s'ils en ont vraiment besoin: "Don’t buy this jacket unless you really need it"
• le réparer systématiquement (avec l'aide de la marque)
• transmettre ses vêtements inutiles à d'autres (avec l'aide de la marque)
• ne pas jeter ses vieux vêtements

Patagonia s'inscrit dans une démarche de long terme - de marque responsable, en phase avec les nouvelles attentes des consommateurs - et en particulier des jeunes. Son fondateur et CEO, Yvon Chouinard, avancait la semaine dernière que ce programme non-standard.. lui permettrait d'augmenter sa part de marché!

 

 

USA: le débat nutritionnel accélère

Les deux plus importantes associations professionnelles agroalimentaires américaines (FMI - Food Marketing Institute - et la GMA - Grocery Manufacturers Association) ont annoncé le 27 octobre dernier qu'elles  avaient décidé de joindre leurs forces pour combattre l'obésité - et d'installer une nouvelle information nutritionnelle en facing de tous les produits alimentaires des marques adhérentes ("fact-based, simple and easy-to-use format"). Cette initiative sera accompagnée d'une campagne de communication pédagogique d'un montant de $50 millions.

Les commentateurs y voient un mouvement tactique afin de "couper l'herbe sous le pied" de la FDA - qui est en pleine réflexion sur le même sujet et compte lancer un système d'information nutritionnelle non obligatoire à apposer aussi en facing des packs.

Le débat porte en fait sur les informations à y faire figurer:

• les organismes officiels (comme récemment encore l'Institute of Medicine) - penchent pour une information où ne figureraient que les calories, les graisses saturées, les graisses trans, les portions et le sel
  
• le cartouche FMI/GMA devrait inclure les nutriments "positifs" - le plus souvent rajoutés par les fabricants comme les omega-3, les vitamines, les fibres.... "In addition, details will be finalized on how to provide consumers with information on nutrients needed to build a “nutrient-dense” diet and on “shortfall nutrients” that are under-consumed in the diets of most Americans"

Nous sommes là très proche des enjeux que je soulevais il y a deux semaines dans mon analyse de la stratégie Nestlé: les groupes agroalimentaires sont en train de se positionner sur le marché des nutriments.. et ont donc tout intérêt à ce qu'ils puissent être indiqués dans le cartouche en question. Ils souhaitent donc installer cette information le plus rapidement possible - d'autant plus que le cartouche FDA n'aurait aucun caractère obligatoire (à ce jour). 
Au même moment l'utilisation des aliments fonctionnels se développe (comme chez Gerber) et on voit apparaître de véritables marques BtoB d'ingrédients: la marque bio de chocolat Good Cacao créée par Be GOOD fait apparaitre sur le packaging les logos de ses ingrédients fonctionnels - NutriBERI, Life'sDHA, GanedenBC³⁰.....

La complexité du débat est encore soulignée dans un article passionnant du New York Times du 7 novembre: "While Warning about Fat, U.S. Pushes Cheese Sales". Celui-ci montre comment un autre organisme public, financé par le US Department of Agriculture, - Dairy Management - ayant vocation à développer les ventes de produits laitiers, participe de ce qui est devenu un véritable cercle vicieux:

• la lutte menée par les organismes publics contre les graisses saturées a permis de développer les ventes de lait demi-écrémé et écrémé
• cette politique a dégagé un surplus de lait entier et de crème... qui ont été transformés en fromage
• ceci amène Dairy Management à inciter (voire à aider financièrement) les marques à inclure du fromage dans leurs recettes: aujourd'hui les américains mangent 33 livres de fromage par an... soit 3 fois plus qu'en 1970!
  

Nous sommes bien dans une période de transition et donc complexe - dans un pays jusqu'à présent réticent à développer des réglementations contraignantes. Tous les acteurs ont toutefois pris conscience de l'importance des enjeux de santé publique - et chacun défend sa propre stratégie. Les marques alimentaires ont toujours su s'adapter aux évolutions de la réglementation - en ayant des gammes de produits différents selon les zones géographiques. Elles sont maintenant confrontées à des enjeux nouveaux - sous forme de nouvelles questions posées par leurs consommateurs. Je vous invite ainsi à lire le second post de ce jour consacré à une autre de ces questions - "d'où vient le produit que je mange?".

 

BMW Lifestyle vient de... Chine

Fort du succès de ses premières tentatives (la X-Bike, le skateboard Stree Carver, les modèles réduits) BMW décida en 2001 de lancer une gamme complète de produits dérivés "lifestyle". Le projet initial était de les concevoir avec des partenaires extérieurs (sous forme de licences) et de les distribuer dans le réseau des revendeurs automobile. 4 critères d'évaluation avaient été fixés pour mesurer le succés de l'opération: des produits faciles à utiliser et immédiatement compréhensibles / des produits offrant des "aspérités" fortes / la possibilité d'installer cette gamme dans d'autres canaux de distribution / l'intégration dans la stratégie de communication.

Ceci a amené BMW à confier ses licences "lifestyle" à un groupe... chinois, Ports Design. 8 ans plus tard il y a 38 boutiques BMW Lifestyle en Chine. J'ai visité cette semaine celle d'Oriental Plazza à Beijing et je n'en suis pas revenu! Dans un univers convenu de boutiques de luxe où tous les concepts se ressemblent surgit un concept unique et immédiatement attribuable à BMW. Un immense espace blanc du sol au plafond innondé de lumière largement ouvert (sans porte - tel un Sephora) sur le mall, un espace de lignes droites mais non rectangulaire (on pense immédiatement au profilage d'un moteur), trois voitures entourés des produits de la gamme, des portants en alu superbes... une sensation de technicité et de modernité.

Ports Design a non seulement créé le concept de boutique "en respectant complètement l'ADN de la marque" comme me l'a précisé Alfred Chan, le CEO du groupe, mais ils ont conçu et produit toutes les lignes de vêtements et de montres (en Suisse). Aujourd'hui BMW vend plus de voitures en Chine que Mercedes (114 408 - soit une augmentation de 96% - contre 101 350 sur les 9 premiers mois de 2010).

Cet exemple me confirme que le développement des marques de luxe et des marques premium viendra de Chine, non seulement en chiffre d'affaires, mais aussi conceptuellement: la maturité des entrepreneurs chinois (surtout lorsqu'ils ont acquis une expérience occidentale dans leur parcours) est telle qu'ils vont racheter des marques et leur donner une puissance nouvelle en respectant absolument leur histoire - tout en les rénovant.

Sophyto, marque de beauté bio, chez Sam's Club

Sam's Club - la chaîne "warehouse stores" de Walmart (les clients payent $40 par an pour avoir accès à des entrepôts où les produits sont présentés sur palettes, à des prix 'discount") - vient d'annoncer qu'ils introduisaient une nouvelle gamme de produits de beauté, SoPhyto. Ce lancement a eu les honneurs de WWD récemment et mérite réflexion.

 

 

 

 

 

 

SoPhyto est une marque anglaise de produits de beauté bio, certifiée par la Soil Association. Elle revendique un positionement professionnel, éthique, mettant en avant l'utilisation d'ingrédients naturels: elle était jusqu'à présent vendues dans des medispas, des cabinets médicaux et en e-commerce.

Présentés sur des palettes marquées les produits SoPhyto vont se retrouver à côté de L'Oréal, Olay, Neutrogena.... Cette initiative soulève des questions intéressantes:

• Il s'agit d'une distribution exclusive aux USA: une fois de plus nous voyons un distributeur se doter d'une offre beauté exclusive - non pas avec sa propre MDD - mais avec une marque dotée d'une véritable légitimité. Les produits proposés ont été conçus spécialement pour Sam's Club.
• Le choix d'une marque certifiée bio par un organisme européen est un signe intéressant - dans un pays qui n'a pas été capable jusqu'à présent de se doter d'une véritable certification bio
• La mise en valeur de la marque - inhabituelle chez Sam's Club - montre l'importance croissante que la catégorie beauté a pour ces distributeurs
• On peut enfin se demander, du point de vue de la marque, comment elle va gérer ce positionnement allant des medispas et des cabinets médicaux au discount....

 

Le monde du parfum bouge chez Zara

Zara vient d'opérer un virage à 180 degrés dans le parfum. Je vous en propose une analyse rapide sous forme d'un "avant / après".

AVANT:

• Licence confiée au groupe Puig - un spécialiste traditionnel de la beauté sélective (comme Interparfums, L'Oréal, Coty,..)
• Positionnement des parfums créés par Puig: des "me too" de parfums de luxe.
  Ainsi la gamme "Rosa" ressemble t-elle étrangement aux Excusifs de Chanel ou aux Dior Homme..
  
  
  
  
  
• Distribution: les magasins Zara
• Résultats: assez décevants (un CA estimé à 80 millions d'euros)

APRES

• Licence confiée à Maesa, un spécialiste du "full service" en beauté pour la grande distribution et les marques de mode mass-market
• Positionnement: une collection de 13 parfums concue comme une collection de mode, c'est à dire avec une rotation annuelle des fragrances (on introduit de nouveaux parfums et on élimine les parfums qui ne se vendent pas).
  Ces parfums reprenent les codes de marques comme Diesel ou Hugo Boss.
  
  
• Prix: entre 10 et 20 euros (prix public) - soit en dessous des prix de la parfumerie sélective
• Distribution: dans les 1200 magasins Zara

Il s'agit là d'un changement majeur: on passe d'une parfumerie traditionnelle - luxe / lente / sélective - à une parfumerie mode, rapide, peu chère. Le parfum Zara est maintenant construit comme la mode Zara: inspirée par les meilleurs créateurs de mode, avec de la qualité ("sans concession sur le jus") et une rotation rapide. Le parfum sort ainsi de la parfumerie pour se retrouver sous forme de produit à petit prix et d'achat d'impulsion dans des boutiques de mode. La raison pour laquelle ce business model risque d'être gagnant tient dans le couple rotation/ prix. Jusqu'à présent, le plus souvent, les marques de mode s'offrant un parfum le positionnent à des prix sélectifs (même Victoria's Secret les propose entre $25 et $50). Gageons que le cas Zara va être analysé... et copié.

 

USA: la fin des BOGOs?

WWD nous apprend dans un article du 3 septembre ("Mass Market Beauty Shifts Promotional Gears") que les marques de beauté de mass-market américaines sont en train de modifier radicalement leur approche promotionnelle: L'Oréal Paris a ainsi annoncé en début d'année qu'ils retiraient les Buy One Get One Free (BOGOs) de leur "arsenal tactique". Ils ont été suivis par Revlon entre autres.

En cette période de crise économique et de fuite vers la valeur, les marques et les distributeurs réalisent que la frénésie promotionnelle non seulement détruit leurs marges mais détruit aussi leur image: les consommateurs finissent par considérer la marque comme systématiquement discountée. Ceci les amène à repenser leur stratégie marketing en jouant sur d'autres leviers: cartes cadeaux, gift with purchase, évènements... ou - comme Target - la mise en avant des récompenses reçues pour inciter les consommateurs, débordés par les nouveautés, à acheter.

Walgreen's a choisi d'innover en prenant - en partenariat avec Neutrogena, RoC et revlon - des pages de publicité dans Vogue, Allure et Glamour, présentant produits, conseils et services. Maybelline (en partenariat avec Marie Claire) a créé un pop-up store, ouvert pendant la New York Fashion Week sur Broadway, offrant des mises en beauté gratuites.

En fait les marques et les distributeurs de produits de beauté mass-market adoptent exactement les stratégies marketing des marques de beauté sélectives: comment celles-ci vont-elles réagir? 

L'avenir de la grande distribution passe par Carrefour Planet

Carrefour vient d'inaugurer son nouveau concept Planet dans deux de ses magasins lyonnais. Je voudrais profiter de cette occasion pour analyser un des éléments essentiels de ce concept - qui va modifier en profondeur la notion même d'hypermarché: l'apparition de shops-in shop de marques.

Deux marques entrent en force: Apple avec un espace de vente Ipod et Mac et Virgin avec un espace culturel. Dans les deux cas Carrefour tire les conclusions de son relatif échec dans des catégories non-alimentaires essentielles. Je pourrais résumer le raisonnement en 5 points:

1. Le développement futur des ventes en hypermarché passe par le non-alimentaire - des catégories qui ne sont pas le coeur-de-métier de la GMS.
2. Ce sont là des catégories où les grandes surfaces spécialisées (Sephora en beauté / Dacathlon en sport / Leroy Merlin en bricolage...) se sont taillées des positions très fortes contre lesquelles les enseignes de la grande distribution n'ont pu jusqu'à présent rien faire.
3. Ce sont aussi des catégories où les marques nationales peuvent rester très fortes (comme en beauté, en mode ou en électronique)
4. Carrefour en tire donc une conclusion évidente: il faut s'allier avec les marques nationales les plus fortes pour redynamiser des rayons entiers... et créer un flux de clientèle. Nous assistons là à un véritablement renversement culturel (en France du moins): faire de la marque nationale un véritable partenaire et non un adversaire.
5. La culture est un cas particulier: Carrefour a vu le développement des Espaces Culturels de Leclerc et n'a pas su le dupliquer. L'enseigne est donc obligée de s'allier... avec une grande surface spécialisée! Voilà une autre rupture culturelle: un distributeur installe son enseigne au milieu des rayons d'un autre distributeur!

La grande distribution française a donc atteint un nouveau tournant: les marques nationales puissantes, les enseignes spécialisées qui jusqu'alors étaient confinées à la galerie commerciale rentrent dans l'hypermarché. D'une certaine manière le nouveau modèle est un mixte entre le modèle traditionnel de la GMS et du grand magasin. La grande distribution va ainsi progressivement devenir loueur d'espaces commerciaux dans ses magasins, en confiant à ses partenaires la gestion de leurs espaces (stocks, personnel). Les consommateurs et les marques vont y trouver margement leur compte: plusieurs de mes clients qui ont ainsi "récupéré" des espaces jusqu'alors gérés par les grands magasins ont largement développé leur ventes en optimisant leur réassort, leur réactivité et leur niveau de service. Dans ce nouveau modèle - qui s'installe aussi aux USA (Sephora chez JC Penney, Boots chez Target et CVS...) - chacun des partenaires y trouve son avantage, tant en matière d'image, que de trafic et de ventes. Il ne peut que s'étendre à d'autres catégories: à quand un shop-in-shop H&M chez Carrefour Planet?

Le Couvent des Minimes & L'Occitane

L'Occitane a développé en 2004 une "seconde" marque sous le nom de "Le Couvent des Minimes" dont l'évolution (avec ses cohérences et ses incohérences) est très intéressante à analyser - afin de comprendre les enjeux actuels pour les marques de beauté naturelle.

• Tout a commencé aux USA: Neil Fiske, CEO de Bath & Body Works depuis 2003, souhaitait développer une offre exclusive de produits de beauté afin d'asseoir le repositionnement de son enseigne - pour cela il s'est adressé à L'Occitane. "It all starts with great product. You can't reposition a brand with marketing, with stores, with new fixtures or new bags. You've got to start with the fundamentals. And the fundamentals are always, first and foremost, you have to have great product. In a brand in transition, like Bath & Body Works, the order of magnitude of change to the product line has to be disruptive to the organization, has to be disruptive to the marketplace, disruptive to the competition. We're all about building brands, brands that have a history, brands that have a story, brands that have a point of view, and authenticity and credibility. The first brand is a brand over in Bigelow now and in 250 Bath & Body Works stores called le Couvent des Minimes. We saw, at the beginning of our journey, an opportunity to create a line of bath and body care products that was luxurious, had an international point of view and came from a part of the world that had a certain romance and spirit to it, that being the south of France, in Provence, specifically. We watched the growth and the success of one of our competitors, L'Occitane, and believed that there was a space upmarket for us in all Bath & Body Works stores. We didn't have the expertise, we didn't have the credibility, we didn't have the resources to develop this lines ourselves. We contacted L'Occitane, went to the best in the world, in our judgment, and said we would like to do business together, top to top communications, relationship of trust and integrity and said how could we create a business that's complementary to yours and leverages the scale that we have at Bath & Body Works and Limited Brands more broadly, with 2,500 points of distribution."
• Cette marque propre - positionnée 20 à 30% moins chère que L'Occitane - a été distribuée en exclusivité chez BBW pendant plusieurs années et permettant à l'enseigne de construire une image "premium" qu'elle n'avait pas auparavant. C'est ainsi que s'est construit son histoire: une marque d'apothicaire provençale, faisant référence aux "jardins des simples" que les moines et moniales cultivaient dans les couvents. La stratégie d'image est tout à fait cohérente: chaque produit est présenté comme correspondant à une "formule n°..." et l'iconographie est celle de produits de beauté traditionnels au début du 20ème siècle...
  
  
  
• Elle a ensuite été lancée en exclusivité en France chez Marionnaud (2006) - où elle est aujourd'hui marque exclusive n°1 en volume, puis en Belgique et aux Pays Bas (chez Ici Paris XL). Elle a été retirée des USA après avoir été implantée en 2007 dans une série de grands magasins. Cette stratégie de distribution a un objectif: "By doing so we aim at protecting our L’Occitane brand from competition in distribution channels where it does not operate and increasing our global market share of the natural ingredient-based cosmetics and wellbeing products market". Aujourd'hui Le Couvent des Minimes est une micro-marque qui représente... 0,4% des ventes du Groupe L'Occitane, soit environ 2 millions d'euros.
  
• Formulée par les équipes de L'Occitane, elle n'est pas produite à Manosque - mais sous-traitée à Paris.. ce qui doit augmenter sensiblement les coûts de production.
  
• Le différentiel de prix avec la marque L'Occitane s'est progressivement réduit: aujourd'hui il est plutôt de l'ordre de 10%. Nous assistons donc à une montée en gamme
• Enfin, visiblement pour des raisons là aussi économiques, l'hôtel-spa "Le Couvent des Minimes", ouvert en 2008 par L'Occitane à Mane, ne propose plus des aménités de la marque.. mais celles de L'Occitane!

Au bout du compte, on a le sentiment que cette marque est délaissée par L'Occitane qui ne lui donne pas les moyens de se développer: un réseau de distribution très restreint / une absence dans l'hôtel qui porte son nom / une production sous-traitée... le tout malgré un joli positionnement très cohérent et une montée en gamme. Ne faudrait-il pas tout recentrer à Manosque et développer fortement le réseau des parfumeries sélectives bien au delà des 3 pays actuels?

Distribution de la beauté: les frontières bougent

WWD nous apprend dans son numéro du 16 juillet que Bumble & bumble, la marque de soins cheveux du groupe Lauder, qui est traditionnellement distribuée dans les seuls salons de coiffure va être introduite dans 10 magasins Sephora aux USA avec un concept très innovant donnant une place importante à l'interactivité. Que retenir de cette évolution majeure?

• Un mouvement - très sensible aux USA - amène les grands groupes à développer des stratégies "mixtes" pour leurs marques: ainsi les marques de soins professionnelles comme La Roche Posay (L'Oreal), DDF (P&G) ou Aveda (Lauder) sont distribuées dans les spas et en retail.
• Comment faire en sorte que les salons ne considèrent pas ce nouveau canal de distribution comme un danger? La réponse apportée par Bb est très intelligente: "these displays will prominently list nearby Bb network salons where consumers can cash in a $20 gift card they will be awarded for purchasing two full-sized Bb items. The card can only be used toward hair services — not products". Ainsi Sephora se présente t-il comme complémentaire des salons - et leur renvoie la clientèle nouvelle acquise...
• Mouvement inverse, Living Proof, une autre marque de soins pour les cheveux distribuée en exclusivité chez Sephora depuis plus d'un an, annonce qu'elle va être maintenant distribuée dans des salons de coiffure avec pour objectif de tripler son CA en quelques années.
• On verra ainsi se développer chez Sephora (en retail) des animations coiffure comme il y a aujourd'hui des animations maquillage, réalisées par ces marques spécialistes avec l'aide de leurs coiffeurs stars... à charge pour elles de capitaliser sur cette nouvelle clientèle dans leurs salons.
• Enfin Bb teste ainsi chez Sephora une nouvelle manière de vendre ses produits.. que la marque compte étendre à ses salons et spas: en effet - tout comme en soins - la plus importante difficulté rencontrée par les marques professionnelles est le peu d'appétit des coiffeurs (et des esthéticiennes) à se concevoir comme vendeurs de produits.

On assiste donc à la mise en place de stratégies de complémentarité en matière de distribution qui vont bien au delà des seuls produits: animations, démonstrations, promotions croisées... La distribution de la beauté bouge enfin!

Hong Kong devient la 3ème ville la plus chère au monde pour le retail

"En Direct de Chine"......

Je suis heureux d'accueillir Laurence Ouaknine sur BrandWatch. Laurence a créé "Au Coeur Du Luxe", une société spécialisée en retail pour les marques de luxe, basée à Paris, Hong Kong et Shanghai. "Au Coeur Du Luxe" est un des partenaires de The Scriptorium Company - un partenaire précieux sur les marchés asiatiques.

Selon le dernier rapport CBRE, paru ce mois ci, Hong Kong devient  la troisième ville la plus chère pour l’emplacement de distribution avec 974 USD/m2 par an. New York reste la première ville la plus chère avec une location de 1,725 USD/m2 par an, suivie par Sydney avec 1,155 USD/m2 par an.

L’année dernière, les locations d’emplacements au sein des malls ont grimpés de 25% (de 250HKD à 620HKD/m2). Le record a été atteint à Causeway Bay pour des magasins donnant directement sur la rue où le prix a atteint 1,800 HKD/m2 par mois. Le challenge pour les marques de luxe convoitant un espace dans les lieux les plus dynamiques de Hong Kong comme Tsim Sha Tsui, Central ou Causeway Bay reste avant tout de le débusquer, puis de le rentabiliser.
Hong Kong reste la ville d’Asie la plus attractive pour les marques de luxe; 90% d’entre elles y sont implantées. Ce dynamisme devrait se poursuivre, porté par le nombre de touristes chinois qui ont fait de Hong Kong leur première destination touristique.

De nouvelles initiatives de fleurir dans le but de séduire des consommateurs déjà très sollicités. En témoigne la dernière animation de marketing sensoriel actuellement située à la très fréquentée station de Causeway Bay : quand le métro attise les sens des usagers.
Les couloirs de métro n’ont généralement rien d’exceptionnel, ce ne sont qu’un méandre de galeries souterraines où transitent au quotidien un flot de passagers souvent pressés d’en sortir.

 
Cependant, une marque de nouilles instantanées a décidé de rendre plus attractives ces allées mal aimées en proposant aux usagers une publicité les mettant en appétit. Grâce à des stickers géants, le couloir de métro se transforme soudain en véritable rayon de supermarché rempli du fameux produit décliné sous tous ses parfums.

Alors que l’on arpente le rayon, des bruits de soupe avalée bruyamment nous parviennent suivis de peu par une odeur de poulet. Nous ne sommes alors plus du tout dans le métro mais bel et bien transporté dans un restaurant, du moins jusqu’à la fin du couloir…

L’animation surprend, interpelle les adultes et touche particulièrement bien les enfants qui à coup sûr réclameront les dites nouilles, d’autant plus si l’heure du repas est proche. La vue, l’odorat, l’ouïe des usagers sont sollicités, ce qui favorise l’achat d’impulsion sensé combler le reste des 5 sens notamment celui du goût.

Le marketing poly-sensoriel est encore peu répandu mais fonctionne d’ores et déjà très bien avec des cibles jeunes comme les enfants. Le métro étant un endroit clos, et très passant en fait un endroit propice à ce genre d’activité qui devrait se multiplier dans les années à venir.

La rationalisation du linéaire: le débat américain

Fin 2008, Walmart annonçait le lancement d'un plan de croissance à 3 ans "Project Impact" dont une des dimensions était la mise en place d'une nouvelle stratégie merchandising "Win, Play, Show":

• Investir les catégories "Win" et "Play" (les catégories importantes et à fort potentiel), en renforçant l'assortiment et en améliorant la présentation visuelle du linéaire.
• Maintenir la catégorie "Show" (faible importance et potentiel réduit) - et chaque fois que possible rationaliser l'assortiment.. en d'autres termes le réduire.

Le débat sur la "SKU rationalization" était lancé. Walmart se félicitait des résultats obtenus: "Our ‘win, play, show’ merchandising strategy has resulted in greater clarity of our offerings across the entire store and therefore cleaner assortments. We will continue to accrue benefits from our ‘win, play, show’ strategy this year.” (Eduardo Castro-Wright Vice Chairman, Wal-Mart Stores, Inc.).. et annonçait des réductions du nombre de références allant jusqu'à 18% dans certaines catégories. Ceci s'est traduit à la fois par une nette réduction de la variété mais pour la première fois par la disparition de gammes entières. Les retailers américains ont mis en avant le fait que de nombreuses extensions de gammes comme des nouveaux produits ne créaient aucune valeur - et les ont donc déréférencés afin d'augmenter la productivité de leurs linéaires. A la suite de Walmart la plupart des autres distributeurs s'y sont mis: Kroger a développé un programme analogue avec dunnhumby, Walgreen a lancé son "Customer Centric Retail Program".

Ce mouvement s'est accompagné... par la mise en place de leur MDD: Walmart a ainsi déréférencé des produits d'emballage Glad et Hefty et les a remplacés par des références Great Value. Le raisonnement est simple: "je déréférence les marques non-leaders - pour ne conserver souvent que les deux ou trois marques les plus importantes.. et je les remplace par une MDD".

Les résultats sont contrastés - et vont largement dépendre de la catégorie:

• Walmart vient d'annoncer qu'ils réintroduisaient 300 à 400 références alimentaires: "There were some examples when we thought we could take a product out of the assortment and the consumer would substitute something [else], and we made a mistake...".
• Giant Food Stores (filiale de Ahold) ont rendu public certains des résultats de l'expérimentation qu'ils mènent sur 20 catégories depuis 2009: en légumes surgelés (où ils ont réduit l'assortiment de 13% - 217 à 188) les ventes en valeur ont stagné mais la marge, les ventes en volume et le nombre de clients ont augmenté / le poulet cuit (où ils sont passés de 69 à 63 références) a vu des gains en valeur, en volume, en marge et en nombre de clients / à l'inverse la catégorie jus de fruits a donné des résultats médiocres.
• Une étude récente de Nielsen ("Too Much Choice and Variety: Assortment Realities") montre qu'en 2009 la part de marché des MDD a augmenté au détriment des marques nationales d'entrée de gamme et des nouveaux produits, les marques nationales "premium" se maintenant.
  
  
  

Je suis persuadé que le mouvement de rationalisation du linéaire ne fait que commencer et va déborder le cadre américain:

• Les distributeurs vont apprendre à mieux travailler leurs références et vont progressivement en réduire le nombre - à l'aide d'expérimentations fines
• Ils vont en profiter pour installer durablement leur MDD
• Les marques nationales secondaires, les variantes comme les gammes "me too" sans véritable valeur ajoutée vont être les premières victimes de cette rationalisation
• Les marques nationales leaders ont déjà réagi en voyant l'opportunité que ce mouvement représente pour elles... et leurs produits phares: "We're pushing it because it will make room for our power items that are out-of-stock all the time and have to be continuously replenished, and we're trimming our own portfolios and seeing productivity enhancements." (Survey of sales vice presidents at 25 companies conducted by Willard Bishop).

La stratégie MDD de A&P

En moins de 3 ans, The Great Atlantic & Pacific Tea Co., un distributeur du nord-est des USA, a complètement revu sa stratégie MDD (voir Store Brands Decisions pour le document complet). Celle-ci mérite une analyse détaillée.

1. A&P dispose de 435 magasins sous 4 formats différents (et 6 enseignes): Fresh (A&P, Waldbaums, SuperFresh) / Gourmet (The Food Emporium) / Discount (Food Basics) / Price impact (Pathmark). Le choix de l'implantation des MDD a été fait en s'adaptant au format, à l'enseigne, au magasin lui même et au profil de sa zone de chalandise - de manière totalement flexible: "We don't change the strategy of own brands based upon store format. We also don't take a carte blanche approach and put items everywhere. What we do is provide that portfolio of brands within each one of those formats and we determine what best suits their customer base". 
2. Pour mettre en œuvre cette stratégie A&P a recruté Doug Palmer, qui a lancé avec succès la MDD "O Organics" chez Safeway (dont j'ai plusieurs fois parlé sur Brandwatch): il s'agit d'une MDD transversale qui est aujourd'hui la première marque bio aux USA.
3. Les MDD (qui représentent 18% des ventes en volume) ont été structurées de manière classique à 3 niveaux (Hartford Reserve en MDD Premium / America's Choice en coeur-de-gamme / Smart Price en Premier Prix) avec création de deux MDD transversales totalement nouvelles: Green Way, une MDD bio, et Via Roma, une MDD italienne.
   
   
   Chacune de ces MDD a été construite comme une véritable marque nationale: elles sont porteuses d'une histoire, d'une identité graphique forte.... et elles ont été présentées le plus souvent en îlots merchandising leur donnant encore plus d'impact. Via Roma est, à cet égard, une véritable réussite: elle véhicule de l'authenticité, de la proximité, du plaisir.. et n'est pas la n-ième "marque italienne" du marché (tous les visuels sont des photos d'habitants d'un village italien).
   
   
4. Aucune mention du distributeur et de ses enseignes ne figurent sur les MDD. Compte tenu du précédent "O Organics" (qui est maintenant présent dans plusieurs enseignes aux USA et à l'étranger), l'objectif est évident: distribuer ces MDD dans d'autres enseignes.

Stratégie complète et sophistiquée, modernité du design, proximité avec les attentes des consommateurs: nous voici aux antipodes des stratégies françaises d'uniformisation sous une marque enseigne. Le seul distributeur français qui puisse développer une telle stratégie (Intermarché) saura t-il s'en inspirer?

Connaissez-vous Polyvore.com?

"La mission de Polyvore est de démocratiser la mode" a avancé sa Directrice Générale, Katherine McClymonds, lors du récent WWD Social Media Forum. Polyvore, Chictopia, Kaboodle: voici les nouveaux sites de "social shopping communities". De quoi s'agit-il? Chaque membre de la communauté Polyvore va ainsi partager avec tous les autres les tenues et les produits qui lui tiennent à cœur: chacun construit ses tenues, crée des collages, des mood boards que les autres membres jugent, notent, recommandent...Le trafic sur ces sites est phénoménal - et dépasse depuis peu ceux des magazines de mode ou des sites comme style.com

Leur réussite s'explique aisément:

• Crowdsourcing: les consommateurs y sont les créateurs et les juges.... Chacun(e) peut y exprimer ses tendances créatives, donner son opinion, apporter à la communauté ses produits préférés (comme sur Kaboodle dont le spectre de produits va bien au delà de la mode)
• On peut (indirectement) y acheter les produits présentés: des accords avec des sites marchands (amazon / netaporter/ des sites de marques...) permettent ainsi à Polyvore de générer des revenus.
• Une dimension magazine permet de donner aux membres des tuyaux, des informations, des recommandations...

Certaines marques ont vite compris tout l'intérêt de tels sites: Coach a développé sur Polyvore un concours lors des fêtes de fin d'année, relayant les créations des membres sur sa propre page Facebook afin d'y désigner les gagnants.. Diane von Furstenberg a fait voter les membres sur les produits de sa collection Automne-Hiver afin de mieux comprendre les attentes de ses clientes.... Ainsi les marques - qui souhaitent garder le contrôle de leur image sur leur propre site ou sur leur blog - peuvent-elles maintenant entretenir une conversation avec leurs consommateurs sur de tels sites: le monitoring du web (où l'un des partenaires de The Scriptorium Company est présent) doit devenir une part essentielle des stratégies de communication et de distribution des marques.

Distribution: la montée irrésistible du net

Deux informations nous sont parvenues coup sur coup que je vous propose de confronter:

• Maria Luisa, une des boutiques emblématiques de la mode des 20 dernières années, vient d'annoncer sa prochaine fermeture: sa créatrice, qui a largement participé au lancement de marques de designers et de marques de niche dans sa boutique de Paris, a décidé de transférer l'ensemble de son activité sur internet. Ce nouveau site, thecorner.com, sera géré par Yoox.
• Netaporter.com (dont le CA est de £120 millions et qui a été racheté en avril dernier par Richemont pour £350 millions) va ouvrir en janvier 2011 un site dédié à l'homme: Mr Porter.

Deux points me semblent ici essentiels:

1. Yoox contre Netaporter/Richemont: la confrontation de deux business models. Nous avons analysé ici longuement la stratégie de Yoox: devenir le prestataire incontournable du e-commerce pour les marques de luxe. Internet, qui représente un peu moins de 5% des ventes du luxe aujourd'hui, va vraisemblablement atteindre rapidement 15 voire 20%. La stratégie de Yoox est claire: contrôler tout le savoir-faire indispensable à un canal de distribution majeur des marques de luxe. Celles-ci - après avoir résisté longuement au e-commerce - en sont donc venues souvent à le sous-traiter.. et donc à en perdre le contrôle. La stratégie de Richemont est alors limpide: apprendre ce savoir-faire et le transférer à l'ensemble de ses marques... pour ne pas dépendre d'un prestataire externe.
2. La difficulté de disposer aujourd'hui seulement d'une boutique 'brick & mortar" - aussi innovante soit-elle. A une époque où les consommateurs (internationaux) du luxe sont aussi de gros consommateurs d'internet, une présence aussi localisée qu'une boutique dans un pays donné n'a plus guère de sens économique. L'avenir des réseaux indépendants est soit 100% online (comme netaporter.com) soit dans une intégration "click & mortar": disposer d'un réseau international de points de vente ET d'une présence forte sur internet. Les prix croissants des surfaces retail dans les meilleurs localisations mondiales vont vraisemblablement inciter ces boutiques à fortement développer leur offre e-commerce, afin de rentabiliser leurs points de vente physique.

Nespresso n'a rien à craindre

L'annonce coup sur coup que des dosettes compatibles avec les machines Nespresso vont être commercialisées - d'une part par Casino en tant que MDD, d'autre part par Sara Lee sous la marque L'Or Espresso - a fait beaucoup de bruit récemment. Des lecteurs de BrandWatch m'ont interpellé: "Je lis avec plaisir vos articles régulièrement et j’attendais, je l’avoue, votre lecture de l’affaire des capsules Nespresso. Je ne l’ai pas vu passer ou bien l’article n’est pas encore écrit, alors je vous pose directement la question : suis-je la seule personne qui ose penser que la brèche dans leur brevet n’est qu’une très belle opportunité d’élargir leur cible ?".

Nous sommes deux chère lectrice. Je pense aussi, contrairement aux analyses lues de ci de là, que l'arrivée de ces dosettes ne fera que conforter Nespresso. Je vois plusieurs raisons à cela:

1. Cela fait maintenant plusieurs années que les dosettes ont fait leur apparition en GMS (avec des systèmes concurrents du système Nespresso - comme Senseo, Tassimo ou Dolce Gusto de Nescafé), à des prix sensiblement moins élevés: Dolce Gusto est à 0,30€ / Tassimo est à 0,27 € / Senseo est à 0,15 € alors que Nespresso est à 0,35€ la dosette. La concurrence par le prix est donc déjà bien présente: elle a permis la création d'un nouveau marché et n'a en rien entamé la progression de Nespresso.
   
2. L'Or Espresso est proposé à 0,29 € la dosette et la MDD Casino à 0,26€. Nous avons donc un écart de prix d'environ 20 à 25% avec Nespresso. Cela suffira t-il à attirer des consommateurs Nespresso? Cela ne me semble pas vraisemblable parce que Nespresso est une marque culte - la marque de luxe du café, alors qu'en face nous avons une marque de mass market et une MDD. La dimension symbolique et expérientielle est indéniablement en faveur de Nespresso: acheter ses dosettes en boutique restera toujours une expérience plus gratifiante qu'en linéaire / pouvoir se faire livrer par porteur après un achat sur internet ne saurait se comparer au livreur du supermarché / l'image statutaire véhiculée dans la cuisine par le "display" de capsules Nespresso ne disparaitra pas pour une simple raison de prix...
3. Le test du goût reste en faveur de Nespresso. Le Temps a réalisé une dégustation à l'aveugle: "Verdict de notre spécialiste? Issu d’arabicas plus ordinaires, C2 (Forza, de L’Or, 42 centimes acheté en France voisine) est «peu équilibré». Alors que C1 (Arpeggio, de Nespresso, 50 centimes) est «corsé, puissant, long en bouche et très équilibré». Bref, «un supercafé qui vaut largement la différence de prix»!". 
4. Reste la question centrale: celle de la machine. Toutes ces nouvelles dosettes nécessitent d'acheter une machine Nespresso (sur lesquelles Nespresso touche des royalties): comme je pense que peu de consommateurs actuels de Nespresso abandonneront les capsules de la marque, nous verrons donc de nouveaux consommateurs venus de la GMS venir acheter leur machine pour certains .. chez Nespresso. Je suis persuadé comme ma lectrice que "la curiosité des consommateurs les mènera sans doute à « comparer » et donc entrer chez Nespresso pour y acheter aussi du café."

Je suis donc persuadé que cette campagne médiatique et cette nouvelle concurrence ne fera que profiter à Nespresso.. qui a immédiatement répliqué en lançant une campagne de communication mettant en avant son savoir-faire et la relation-client: la marque met ainsi l'accent sur une de ses forces, le lien avec le client et le service... dimension qui est totalement absente des offres concurrentes.

Au cas où vous n'ayez pas l'information, voici l'évolution des ventes de Nespresso: impressionnant!

Le partenariat Boots / Waitrose

Décidément le monde anglo-saxon de la distribution ne craint pas l'innovation.

Le mois dernier a vu la mise en œuvre d'un partenariat (annoncé en septembre 2009) d'un genre nouveau entre Boots (distributeur spécialisé en santé et beauté) et Waitrose (distributeur généraliste haut-de-gamme):

• Boots accueille dans 4 de ses magasins une sélection de sandwichs, wraps et desserts de la MDD Waitrose - ceci afin de renforcer son offre de "take away food". 3 autre magasins vont accueillir prochainement une offre complète de produits Waitrose pour le déjeuner (dont ceux de la gamme Essential Waitrose- la nouvelle gamme discount du distributeur).
  
  
• Une sélection de produits MDD beauté de Boots (dont la ligne N°7) ont été introduit dans 7 magasins Waitrose
  
  Les 13 pharmacies gérées par Boots (sans être revendiquées par l'enseigne) dans des supermarchés Waitrose sont passées sous l'enseigne "Boots Pharmacy"

Nous voici donc devant un exemple supplémentaire de la stratégie que je décris depuis longtemps: un distributeur installe sa MDD dans les linéaires d'un autre distributeur. Nous avons déjà analysé sur BrandWatch la présence de MDD Boots chez Target et CVS aux USA (donc dans un autre pays) et celle d'O Organics (la MDD de Safeway) chez Carrefour en Asie. Nous sommes maintenant dans un même pays: un distributeur "food" et un distributeur "beauté" s'échangent leurs produits. A quand des produits Sephora dans les rayons de Carrefour?

Starbucks gère son portefeuille de marques

En juillet 2008 je vous parlais de Starbucks en titrant: "Starbucks: "just another big food chain"?" et "Starbucks, la 'commoditization' d'une marque visionnaire". Dans les deux posts, j'analysais la crise que traversais Starbucks, au point de rappeler à la barre son créateur Howard Schultz.

Mai 2010: la situation s'est radicalement inversée. Une initiative récente montre comment la marque fait face dans un contexte économique difficile. Après avoir fermé 600 cafés aux USA, Starbucks a du faire face au développement de nouveaux concurrents: McDonald's (comme Dunkin' Donuts auparavant) a lancé une offre de café concurrente affichant des prix bien plus abordables (Depuis 2008 chez McDonald's le client a le choix de boissons chaudes -lattes, mochas, cappucinos, et espressos- et de boissons froides types jus de fruits et smoothies, moins chères qu’à Starbucks de près de 50 cents). Howard Schultz a tiré les leçons du risque de banalisation de Starbucks. Au lieu de se lancer dans une stratégie de "prix cassés" il a préféré s'appuyer sur une seconde marque, achetée par Starbucks en 2003 et qui n'avait pas été véritablement développée depuis lors: Seattle's Best Coffee.

Deux points sont remarquables dans cette nouvelle stratégie:

• Une modification fondamentale de l'identité de la marque: on passe d'une marque de production (mettant en avant le savoir-faire du torréfacteur, avec un logo 'à l'ancienne' sous forme de 'label' de qualité) à une marque moderne de mass-market..
  
  
  
  
  
  
  
• Un développement très important du nombre de points de vente et leurs localisation: Seattle's Best Coffee a actuellement 550 points de vente en propre (et 3 000 lieux de distribution) - qui vont passer à 30 000 d'ici fin 2010 grâce à des accords commerciaux avec des cinémas (AMC Theatres), des fasfoods (Burger King), des librairies (Borders), des compagnies aériennes (Alaska Airlines), des croisiéristes (Royal Caribbean Cruise Lines), des restaurants (Subway) et des supermarchés...

Starbucks met ainsi en œuvre une stratégie de portefeuille de marques - une marque premium et une marque "entrée de gamme" - afin de renforcer la valeur de la marque premium elle-même ET du groupe.

Où va Levi's?

Levi's n'en finit pas de se "réinventer" comme le dit le Wall Street Journal. La marque se développe par le haut et par le bas. Deux informations en témoignent, mais cela constitue t-il une stratégie?

• La marque se relance dans le haut-de-gamme: elle vient de restructurer son offre premium en ne conservant que deux lignes Made & Crafted ("a premium denim line featuring better fabrics and fit") et Levi's Vintage Clothing laquelle offre des rééditions de modèles d'archives. Cette offre - dont les prix sont entre $148 et plus de $200 - est distribuée dans des circuits inhabituels pour la marque comme Barney's et Saks.
• La société vient d'annoncer le lancement d'une nouvelle marque d'entrée de gamme, réservée exclusivement au marché chinois. Levi's qui est déjà fortement implanté en Chine avec 620 points de vente, compte positionner la nouvelle marque sur le segment de prix $40 / $60 et la distribuer dans des boutiques dédiées (20 devraient ouvrir dès 2010 - avec un objectif de 1000 en 2015). Cette marque est conçue comme une marque d'entrée de gamme, permettant à toute une nouvelle clientèle chinoise d'accéder à des produits Levi's.

Cette annonce me rappelle une précédente initiative de Levi's en 2003: la création de la ligne Signature by Levi Strauss. Constatant la montée en puissance des MDD dans le jean - et voulant s'adresser à toute la clientèle achetant ses jeans en grande distribution (qui représente environ 40% du marché aux USA), Levi's a conçu la stratégie "Sell where they shop": une marque dédiée à la GMS et distribuée chez Walmart (entre autres). Deux points convergents sont à noter:

• Levi's n'a jamais discounté ses produits - et donc cette stratégie de prix cassés est une première.
• Le logo choisi nous montre d'entrée pourquoi cette ligne semble vouée à l'échec: le consommateur est persuadé qu'il s'agit d'un produit Levi's moins cher - ce qui est totalement contraire au positionnement de la marque. Il n'identifie en rien qu'il s'agit d'une gamme nommée "Signature".

Lancée en Europe, puis en Asie, les conséquences ne se sont pas faites attendre. J'en noterai 3:

• En 2005, Walmart lance des jeans sous sa propre marque Metro7: 10 à 15% plus chers que Signature mais beaucoup plus "stylés". Au 1er trimestre 2006, Levi's annonce que le chiffre d'affaires de Signature a reculé fortement à cause du succcès de Metro7. Cet échec relatif n'est donc pas une question de prix, mais bien d'offre.
• En septembre 2006 Levi's annonce pour juin 2007 le retrait d'Europe de Signature: elle n'a jamais réussi à s'imposer, représentant moins de 3% du marché du jean en GMS en France.
• Une refonte complète de la stratégie est menée - avec comme élément essentiel un nouveau logo: Levi Strauss devient (enfin) "caution" d'une marque "Signature".

Malgré ce, Signature ne représente toujours qu'environ 5 à 6% du CA de Levi's (essentiellement aux USA) et ne semble pas amené à se développer véritablement. On peut donc se demander pourquoi la société va lancer une nouvelle marque en Chine: pourquoi ne pas utiliser Signature?

USA: les distributeurs mettent en valeur la production locale

Ces derniers mois, plusieurs enseignes de distribution américaines ont pris conscience que les consommateurs recherchaient de plus en plus de produits avec une garantie d'origine locale. Plusieurs raisons convergentes sont à l'œuvre ici:

• certains y voient un moyen de défendre l'emploi régional
• d'autres y voient une garantie d'authenticité (le goût, la recette traditionnelle, l'artisanat, le respect de la saisonnalité de la production...)
• enfin d'autres encore y voient un moyen de réduire l'empreinte carbone du produit

C'est à destination de ces consommateurs - appelés "locavores" - que plusieurs initiatives récentes ont été prises:

•  Weis Markets, une chaîne de 154 supermarchés de la côte Est, a initié une campagne intitulée: "Local and Proud of It". Souhaitant valoriser les quelques 10 000 tonnes de produits achetés à 150 producteurs régionaux, l'enseigne met en avant que 20% de ses produits frais sont achetés localement.
• Spartan Stores, un groupe de 99 supermarchés du Middle West, met en avant 2400 produits frais et d'épicerie produits dans le Michigan par 42 fournisseurs locaux (dont Yoplait et Kellogg): "Michigan's Best". L'enseigne considère que 10% des produits qu'elle vend sont produits localement - contre 20% des produits de leur MDD. 
• L'initiative la plus intéressante vient de Meijer qui vient de repositionner sa MDD premium, Meijer Gold, avec la signature "Unique Foods from Unique Places". Elle est construite autour de 3 thématiques fortes: "produit localement" / "des recettes familiales" / "des spécialités régionales". Nous retrouvons ici des thématiques déjà exploitées par des MDD françaises comme "Nos Régions ont du Talent" chez Leclerc ou "Reflets de France" chez Carrefour. Toutefois Meijer innove en mettant en avant des producteurs qui sont soit locaux, soit "family owned" - exactement comme le fait déjà Whole Foods Market.

Ainsi des enseignes de plus en plus nombreuses cherchent à se doter de nouveaux facteurs clés de succès - au delà du seul prix. La mise en valeur de l'origine de leurs produits et des liens qu'elles entretiennent avec le tissu productif régional est, à mon sens, une voie d'avenir.

Les marques & Kidexpo: "peut mieux faire"!

Depuis 2007 se tient à Paris un salon très particulier, destiné aux enfants: Kidexpo. Kidexpo se veut une source d'idées et de solutions dans tous les domaines liés à l'éducation des enfants. Il s'adresse donc en priorité aux parents, aux enseignants, aux professionnels de l'enfance... et aux enfants eux-mêmes. 60 000 enfants y côtoient 30 000 parents... Je me suis intéressé à ce salon parce que j'y ai vu un moyen de communication et d'éducation formidable sur des sujets aussi sensibles que la nutrition ou le bio. Or les chiffres sont (hélas) très révélateurs: sur les 191 exposants (2009) il y avait en tout et pour tout 7 marques de food (Ferrero / Cereal Bio / Coca Cola / D'Aucy / Bel / Orangina Schweppes / Yoplait) et pas un distributeur! Et encore certains ont-ils juste utilisé ce salon pour lancer de nouveaux produits (genre distribuons des produits gratuits....).

Je pense que marques et distributeurs ont encore une conception "archaïque" de la communication à destination des enfants. Ceci tient en deux points:

1. Ils n'ont pas encore compris qu'ils ont un rôle éducatif essentiel à tenir: les parents attendent que les institutionnels et les industriels (marques et distributeurs) montrent la voie et leur indiquent les gestes essentiels - comment bien se nourrir, comment respecter l'environnement, comment avoir des comportements responsables... Mais ils souhaitent des approches ludiques, nouvelles, innovantes... 
2. Ils ont du mal à accepter le non-commercial: les consommateurs attendent aujourd'hui une relation qui ne soit pas placée d'emblée sous le signe de la vente ou du marketing. Ils attendent des conseils et des expériences. Une marque comme Apple a parfaitement compris cela (voir mon post du 29 juin 2008): c'est en étant très fort en non-commercial qu'on développe ses ventes. 

Heureusement d'autres ont saisi l'opportunité qu'est un tel salon. Ainsi France Info organise des émissions où les enfants sont les journalistes: encadrés par de véritables journalistes qui les forment, ils conçoivent une émission à l'issue de laquelle ils repartent avec un CD où elle est enregistrée.

Le CNIEL est, quant à lui, parti du constat que les gestes de la cuisine ne se transmettent plus entre mères et enfants et que, souvent, seuls les grands-parents sont encore dépositaires des savoir-faire culinaires. Il a donc organisé des "Ateliers Cuisine" où les grands-parents apprennent à leurs petits-enfants à cuisiner. Ils découvrent ainsi le goût, le travail des ingrédients... et s'approprient une tradition.

Comment se fait-il que les enseignes de distribution qui se veulent pionnières en matière de nutrition ou de développement durable n'investissent pas ce salon? Comment se fait-il que les marques Bio n'y déploient pas toute une pédagogie du goût? Mais attention: il faut faire preuve d'imagination et de créativité.. et en faire une véritable stratégie!