Johnson & Johnson vient, en l'espace de 15 jours, de capituler en rase campagne devant l'association militante Campaign for Safe Cosmetics.
Celle-ci avait publié un rapport "No More Toxic Tub" en mars 2009 - dénonçant (parmi des centaines d'autres produits existant sur le marché) l'utilisation par J&J de deux cancérigènes potentiels (le quaternium-15 et le 1,4-dioxane) dans ses shampooings pour bébés. Le quaternium-15 est un conservateur qui libère du formaldéhyde et le 1,4-dioxane est un sous-produit d'une réaction chimique permettant de rendre certains produits plus doux sur la peau. Malgré des lettres et des rencontres successives avec la marque, celle-ci est restée sans réaction.
En octobre dernier Campaign for Safe Cosmetics - s'alliant pour l'occasion avec l'association des infirmières américaines et des associations de médecins - rend public un nouveau rapport entièrement consacré à J&J - "Baby's Tub is Still Toxic". Le contenu du rapport éclaire d'un jour nouveau les pratiques de J&J: sur 13 produits "Baby Shampoo" achetés dans 13 pays différents, il constate que le Quaternium-15 n'est utilisé que dans 5 pays (USA / Canada / Australie / Chine / Indonésie) - alors qu'il est remplacé par d'autres conservateurs dans 8 autres pays (Japon / Pays Bas / Afrique du Sud / Suède / UK / Danemark / Norvège / Finlande). J&J fait de même pour sa gamme Johnson's Natural commercialisée aux USA. Le rapport insiste donc à juste titre sur les "deux poids, deux mesures" de la politique de J&J qui conserve un ingrédient potentiellement dangereux dans les pays où la réglementation ne l'interdit pas explicitement. Campaign for Safe Cosmetics exige donc que J&J aligne l'ensemble de ses formules sur celles utilisées en Europe.
Le 16 novembre Johnson&Johnson annoncait (tout en réfutant la dangerosité en question) qu'après avoir supprimé tous les phtalates, ils allaient, en l'espace de deux ans, éliminer le Quaternium-15 et tous les ingrédients pouvant libérer du formaldéhyde et travailler à éliminer le 1,4-dioxane.
Cette histoire est passionante par ce qu'elle révèle:
- Un groupe militant peut en l'espace de deux ans (voire de 15 jours si nous nous en tenons aux développements récents), avec l'aide d'autres associations et d'un travail de recherche en profondeur, obtenir d'une marque qu'elle reformule tous ses produits.
- Les marques utilisent des formules différentes dans les différents pays: aujourd'hui les campagnes de remise en question menées par les groupes militants seront nécessairement internationales et mettront en évidence le système "deux poids, deux mesures".
- Sans le dire explicitement les normes européennes (voire individuelles - le formaldéhyde est interdit au Japon et en Suède) prennent le pas sur la "liberté" américaine: les marques de beauté et d'hygiène vont devoir reformuler systématiquement mondialement en s'appuyant sur les normes les plus strictes.
- Qu'est ce qui justifiera à l'avenir la coexistence sur les même linéaires de deux marques comme J&J et Johnson's Natural (qui n'a de naturel que le nom) ? D'autant plus que Campaign for Safe Cosmetics dénonce maintenant le "greenwashing" de certaines marques "naturelles"...