par Virginie Michelet
Et qui avait mal commencé. Arrivés à la gare TGV de Saint-Malo un lundi à l’heure du déjeuner (train=voyage=légère fatigue+heure du déjeuner=faim=possible mauvaise humeur), personne pour nous accueillir malgré la lettre nous assurant du contraire. Petit coup de fil à la réception (chercher le téléphone, le numéro, braver le crachin) : « le chauffeur est en route ». Nouvelle attente. Longue. Re coup de fil. « Ah ,j’étais là mais j’ai vu personne ». « Où ? » « Aux taxis ! » « Mais on ne connaît pas la gare, Monsieur ! » « Ah bon, je reviens vous prendre alors ». Ce genre de quiproquo peut durer longtemps. Je suis à la fois étonnée – j’avais déjà séjourné dans cet hôtel et j’avais adoré – et furieuse – cette fois-ci je suis venue avec mon ami, à qui j’ai vanté les mérites de l’hôtel. Ça continue malheureusement : pas un « bonjour » de la part du chauffeur. Devant l’employé à l’accueil, même attitude : j’explique le problème et il se contente de hocher la tête en me regardant comme un merlan frit. J’avoue : ça m’énerve au plus haut point et je le lui fais savoir. Le merlan frit se transforme en cloporte. « Et la chambre ? Nous commençons la cure dans une heure et nous avons besoin de nous changer » « Euh, je vais faire mon possible pour qu’elle soit prête » répond le sosie de Kafka. « Nous sommes ici pour faire une cure dont l’intitulé est « mer et remise en forme ». Je me demande si nous allons pouvoir en profiter ! » clamé-je assez fort pour être entendue alentour. Exit l’accueil, direction le restaurant. Je projette aussitôt d’aller demander des explications à la direction de l’hôtel. Quelques pas plus loin, au bar, j’interroge l’air de rien la barmaid pour savoir si les propriétaires ont changé depuis la dernière fois que je suis venue, il y a cinq ans. Nenni. C’est toujours la même famille aux commandes. Bizarre, mon précédent séjour m’avait laissé un si bon souvenir. Après un repas rapide et pas particulièrement sympathique, je me confonds en excuses auprès de mon chéri qui, bon prince, se contente d’un sourire navré.
Enfin, nous faisons connaissance avec la chambre. Pour une fois – je suis un peu difficile, vous l’aurez deviné ! – rien à redire, nos quartiers sont parfaits. Il est temps de se rendre aux premières séances. Douche circulatoire, piscine tonique, douche sous-marine et affusions manuelles (un pur délice) se succèdent. Tiens ? C’est curieux, ma résolution d’aller voir la direction se fait moins ferme. L’heure du dîner arrive. Nous avons demandé à bénéficier d’un menu diététique car je sais que les plats seront particulièrement soignés et délicieux. Pourquoi prendre des kilos quand on peut en perdre avec le même plaisir ? Une hôtesse nous prend en main, on nous bichonne, on nous installe à la table qui nous va, on nous apporte le menu adéquat et on nous donne des explications claires. Et nous nous régalons. Le lendemain, nouvelle salve de soins tous plus relaxants les uns que les autres. L’après-midi, j’oublie complètement de me plaindre à la direction et nous nous gavons d’air marin le long de la plage vers les fameux remparts de Saint-Malo, une chanson d’Hugues Aufray aux lèvres…
Et après ? Après, la détente s’installe, le service est attentionné, les soins bien exécutés, l’emploi du temps judicieux, le piano du bar exactement comme doit être un piano bar, les tisanes originales et succulentes. Nous succombons à l’atmosphère bon enfant, aux petits-déjeuners aussi variés que copieux (c’est juré, nous faisons des efforts pour rester raisonnables), aux cours de cuisine diététique donnés par les deux chefs : le salé
Patrice Dugué, et le sucré
Pascal Pochon, qui, de conserve avec le diététicien, ont décidé de nous maintenir en forme ET de bonne humeur. Bref, c’était quoi, déjà, le bug de l’arrivée ? On dort, on boit les deux bouteilles de Plancoët qu’on nous fournit gracieusement tous les jours dans la chambre (une délicieuse eau minérale bretonne), on se promène, on s’amuse à marcher à contre courant dans le parcours aquatique, on lit nos romans, on déguste le petit chocolat posé sur notre oreiller tous les soirs, on apprend qu’il n’y a pas moins de quarante personnes en cuisine et vingt-cinq en pâtisserie, avec une boulangerie et une chocolaterie intégrées, on se réjouit des sourires et des bonjours de tous les membres du personnel que l’on croise. On décompresse, on rit, on profite de la vie, on se rend compte que les dernières vacances, c’était il y a très longtemps, et qu’on devrait peut-être en prendre plus souvent.
Arrive le jour du départ. "
Tu n’avais pas dit que tu voyais le Directeur ? » «
Moi ? J’ai dit ça ? » Petit sourire en coin de mon ami, suivi d’un «
Quand est-ce qu’on revient ? » qui me fait chaud au cœur.
On ne saura jamais ce qui s’est passé ce lundi midi là. Pourquoi, au milieu de tant de cohérence et d’authenticité, nous sommes tombés sur un os. Et à vrai dire, on s’en moque comme d’une guigne !
(Merci à Alhonse B.Seny pour la photo!)
© Virginie Michelet
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