Sous ce titre générique d’esthétique
de marque, mon intention est de réfléchir avec vous sur le monde des marques,
au travers du filtre de leur esthétique. J’utilise ce terme ici, non dans le
sens philosophique ayant rapport à la beauté, mais au sens sémiotique. L’esthétique
des marques sera leur approche du sensible, les traitements esthétiques, polysensoriels appliquées à toutes leurs manifestations.
Cette première réflexion
s’attache au vêtement masculin.
L’élément le plus important de
la garde-robe masculine reste, aujourd’hui plus que jamais, la veste. Un petit
exercice statistique sur le numéro de novembre de Gentleman, démontre que 48
photographies présentent des hommes portant la veste contre 19 looks informels.
Il est vrai que la période des fêtes est propice au formalisme vestimentaire,
pourtant l’attention et la frénésie créatrice qui se sont emparées de la veste
ne lasse pas de surprendre. Les vestes
de Prada sont si courtes que l’on peut mettre les mains dans les poches du
pantalon sans faire un pli ; le costume croisé revient en force ;
H&M propose des tuxedo; Carlo Brandelli à Londres reprend l’idée originale
d’Armani de la veste déstructurée et la baptise la “Kilgour skeleton”, tandis que Paul Smith présente une veste en
tartan à 5 boutons, etc.
Veste incombustible, toujours
réinventée et qui reste, à l’aube du 21ème siècle la pièce la plus
significative de l’habillement masculin.
Malgré les tendances postmodernes iconoclastes et destructrices de tout
formalisme, malgré l’avènement de la civilisation des loisirs propice à
l’informel, la veste – élément de costume, sportive, avec des jeans ou des
baskets- reste l’élément vestimentaire qui définit le mieux l’individu qui le
porte.
Les considérations sont
nombreuses et complexes dans le rapport qui s’établit entre un produit de
consommation et un individu avant d’en arriver éventuellement à un acte
d’achat.
Quels sont les bénéfices que je tire de cet objet?
La coupe impeccable, …. La légèreté et souplesse du tissus, … le toucher
suave du cashmere, … la couleur qui va avec celle de mes yeux, … le style
anglo-saxon de la coupe, … elle me donne confiance en moi, … comme ça on voit
que je suis dans le coup, …. C’est le costume croisé d’un leader.
Les discours sont d’autant plus
complexes que l’identité de la marque vient s’y superposer. L’achat va se faire
parce qu’il engendre de la satisfaction qui provient à la fois des attributs
intrinsèques du produit et des valeurs qui sont activées par notre vivre en
société. Regardons
ces deux dimensions.
Le style de la veste
est probablement l’attribut intrinsèque primordial. Le style pour une marque ou
un designer, est constitué principalement par les constantes du traitement
esthétique du produit (coupe, tissus, couleurs, boutons, doublures,
construction, …). C’est normalement ce
qui fait que l’on puisse reconnaitre une veste comme ayant été créée par une
marque spécifique. Exercice d’autant plus difficile que, s’il est relativement
facile d’être original sur une saison et de communiquer à outrance sur un
produit, il est plus difficile de faire percevoir un point de vue esthétique
dans la durée sur un produit comme la veste. Celle d’Armani est probablement la
seule que l’on puisse reconnaitre depuis le trottoir d’en face.
Charles Lalo (philosophe
français du début du XXème siècle) disait que la nature sans style est anesthétique
. Que penser alors des biens de consommation sans style…
Le 2ème attribut de la veste
qui soit pertinent aujourd’hui est son contenu mode. Il permet au gérant
de la marque de segmenter le marché du plus conservateur au plus branché.
On peut alors positionner
quelques marques connues dans l’habillement masculin sur un diagramme qui peut
aider à la décision d’achat ou, pour le gérant de marque de se situer par rapport
à la concurrence
La dimension sociale, quant à
elle, est quasiment toujours présente dans la décision d’achat. La veste peut
servir aussi bien de cuirasse protective ou d’élément d’expression de la propre
identité. Eric Landowski, sémiologue français, propose un diagramme très utile
pour définir 4 grandes typologies di consommateurs, selon l’importance attachée
soit à la nécessité d’être en symbiose avec le socialement correct, soit au
besoin d’exprimer sa propre individualité.
Sur la partie droite du
diagramme apparaissent les consommateurs qui tiennent en grande considération
le qu’en dira-t-on: Sur le côté gauche, nous trouvons les consommateurs qui ne s’inquiètent pas de l’avis des autres: Ce diagramme versatile s’applique aussi bien à des marques, des magazines, des produits, que des acteurs mythiques comme Steve McQueen
ou Pierce Brosnan qui sont des références fondamentales dans l’habillement
masculin.
© Gérald Mazzalovo
Dans ces rôles multiples, la veste devrait nous aider à passer au
travers de la crise actuelle dans de meilleures conditions, … au moins
psychologiques.